Chaque soir, selon un rituel tristement habituel, le directeur général de la Santé Jérôme Salomon recense les personnes testées positives au Covid-19, hospitalisées, entrées en réanimation et décédées. Mais concernant le nombre précis de soignants qui se cachent derrière ces statistiques, il a à plusieurs reprises expliqué ne pas vouloir détailler. Se disant « mal à l'aise sur ce sujet » et évoquant « des professionnels de santé » qui « se considèrent comme des patients comme les autres » et « ne souhaitent pas que l'on tienne un décompte, un peu macabre du nombre d'infirmiers, d'aides-soignants, de médecins qui sont infectés » (dans Le Généraliste du 1er avril), ou invoquant encore « le secret médical » (dans Le Quotidien du médecin du 10 avril). Et ce, au grand dam de syndicats de médecins comme l'Union française pour une médecine libre (UFML-S) réclamant à cor et à cri les chiffres des soignants contaminés en France. L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a quant à elle communiqué ses chiffres, faisant état au 20 avril de « 4 275 professionnels de l'AP-HP qui ont été ou sont atteints du Covid-19 », soit 4 % des effectifs des hôpitaux parisiens.
Diagnostic validé par un médecin
Dans ce contexte flou, le lancement par le Geres d'une « grande enquête sur le contexte de contamination par le SARS-CoV-2 des soignants et de tout le personnel de santé assurant des soins ou l'accompagnement de patients ou d'usagers du système de santé », soutenue par la Haute Autorité de santé (HAS) et Santé publique France, est plus que bienvenue. L'enquête, qui se présente sous forme d'un questionnaire en ligne, est proposée « à tous les personnels de santé contaminés, quelle que soit leur fonction au contact des patients : infirmier, aide-soignant, médecin, kinésithérapeute, technicien de laboratoire, pharmacien, manipulateur radio, brancardier, ambulancier, psychologue, diététicien, dentiste, etc. » Pour pouvoir y répondre, les soignants et personnels de santé « doivent avoir eu un diagnostic de Covid-19 validé par un médecin », mais pas forcément confirmé par un test positifs, PCR ou sérologique : « des signes cliniques très évocateurs » suffisent.
Quel est l'objectif de cette enquête à laquelle les pharmaciens touchés par le Covid-19 sont conviés à répondre ? Pour la HAS, il s'agit de « tenter d'identifier les facteurs de contamination du personnel de santé par le Covid-19, en sachant qu'elle a pu avoir lieu lors de contacts avec les patients, entre collègues ou dans la vie privée ». Elle ajoute que « cette enquête permettra d'obtenir des informations sur les contaminations passées mais également sur celles à venir, les soignants pouvant y répondre durant les douze prochains mois ».
Dans un communiqué diffusé le 22 avril, l'Ordre national des infirmiers (ONI) déplore un « manque cruel d'équipements de protection » et qu'« aucune donnée officielle relative au nombre d'infirmiers contaminés, hospitalisés ou décédés des suites du Covid-19 n'ait encore été communiquée ». Il salue toutefois l'annonce faite par le ministre de la Santé, Olivier Véran, de reconnaître « le coronavirus [...] comme maladie professionnelle de façon automatique et quel que soit le lieu d'exercice du professionnel contaminé, à l'hôpital, en Ephad ou en ville ».