Lors de son allocution télévisée du 13 avril, Emmanuel Macron n'a pas parlé de « guerre » comme il l'avait fait le 16 mars. Il a d'abord annoncé une prolongation d'un mois du confinement, première mesure très attendue par le corps médical pour poursuivre son combat acharné contre le Covid-19. Mais il a aussi martelé une date, le 11 mai, « le début d'une nouvelle étape », « progressive », visant notamment à « permettre au plus grand nombre de retourner travailler » (le nerf d'une guerre plus économique que sanitaire, critiquent certains observateurs). Le chef de l'État a aussi annoncé à cette même date une réouverture « progressive » là encore des crèches, écoles, collèges et lycées. Mais cette date du 11 mai, qui sonne comme un genre d'armistice dans cette « guerre » contre le coronavirus, n'a pas été perçue paisiblement par tous. Certaines voix se sont élevées, comme celle du Conseil national de l'Ordre des médecins qui déplore un « manque absolu de logique » et dénonce une décision de réouverture des écoles qui reviendrait à « réintroduire le virus ».
Un « masque grand public » et une appli
Il faut dire que le 2 avril, le conseil scientifique qui, entre autres voix plus politiques, murmure à l'oreille d'Emmanuel Macron, avait publié un avis demandant d'abord « la poursuite d'un confinement renforcé dans la durée » (ce qui a donc été fait, pour un mois) et posant notamment comme préalable au déconfinement le fait que « des capacités de diagnostic rapide d'infection aiguë et de rendu des résultats aux patients avec transfert de données en temps réel aux systèmes de surveillance épidémiologiques » soient opérationnelles. Tout comme « de nouveaux outils numériques permettant de renforcer l'efficacité du contrôle sanitaire de l'épidémie ». C'est dans ce sens que le président a annoncé les grandes lignes d'une « organisation nouvelle » pour sortir du confinement, sachant qu'il s'est engagé ce jour-là à détailler sous quinzaine un « plan de l'après-confinement ».
En attendant, qu'a-t-il déjà promis ? Que le 11 mai, la France serait capable de tester « toute personne ayant des symptômes » et que les personnes infectées seraient « mises en quarantaine, prises en charge et suivies par un médecin ». Que chaque Français serait doté d'« un masque grand public », qu'il lui serait possible de recourir, sur la base du volontariat et de l'anonymat, à une appli permettant « de savoir si oui ou non on s'est retrouvé en contact avec une personne contaminée ». Enfin, le président a précisé que « le retour à la vie d'avant », vu la faible immunité collective, ne passerait que par les vaccins et les traitements.
L'Inserm et l'OMS plus précautionneux
Pourtant, dans une modélisation de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) publiée le dimanche de Pâques 12 avril, les chercheurs français avaient alerté sur le fait qu'en Île-de-France notamment, sans recherche active à grande échelle des personnes infectées par le SARS-CoV-2 par dépistage et traçage, le déconfinement avant juin conduirait à une deuxième vague épidémique importante avec des capacités de réanimation dépassées. Ils précisaient même qu'un déconfinement en mai, sans stratégie de sortie, aurait un impact minime sur le pic épidémique et conduirait à un besoin en lits de réanimation 40 fois supérieur aux capacités régionales. Quant aux conditions qui, selon le patron de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), doivent être remplies pour sortir d'un confinement strict, on peut dire que la France est encore loin du compte. L'organisation recommande notamment « que la propagation soit contrôlée ; que les systèmes sanitaires soient prêts à détecter, tester, isoler et traiter tous les cas de Covid-19 et tracer chaque contact [et] que le risque de foyer épidémique soit réduit au plus bas niveau [...] dans les maisons de retraite ». Avec ce niveau d'exigence sanitaire, la date du 11 mai semble bien trop proche !