À l'instar de la Belgique, la Roumanie est désormais connue pour proposer des cursus en médecine, pharmacie et dentaire aux étudiants français (lire Le Pharmacien de France n° 1247, février 2013). Mais à Cluj-Napoca, au nord-ouest de Bucarest, la communauté d'étudiants français – la plus importante d'Europe orientale – vient de connaître une série de suicides et tentatives de suicides d'étudiantes en médecine en un mois de temps. Le Monde, dans son édition du 25 avril, relate que ces événements sont venus mettre à jour « un profond malaise », lié à l'incertitude du retour en France et au regard porté par la communauté médicale française sur ces étudiants.
L'examen de fin de cycle, point d'achoppement
Les étudiants en pharmacie seraient-ils eux aussi confrontés à ces difficultés ? Leur représentante au sein de la Corporation de médecine de Cluj restait injoignable cette semaine. En 2014, ils sont 21 Français à avoir été admis en première année de pharmacie à Cluj, sur 73. Didier Bavouset, directeur de l'antenne de l'Institut français à Cluj, explique que les drames de ces dernières semaines concernaient uniquement des étudiantes inscrites en 4e, 5e et 6e année de médecine. Selon lui, le problème se cristallise autour de la difficulté de l'examen classant national (ECN), principalement destiné aux étudiants en médecine générale. Or les conditions de préparation ne seraient pas les mêmes, que l'on étudie depuis la France ou depuis la Roumanie, et la réussite à cette épreuve conditionne l'accès à l'internat en France, donc le retour au pays.
« À la suite des événements des dernières semaines, nous avons ouvert l'Institut français, pour le week-end de Pâques, aux étudiants tous cursus confondus. Nous avons reçu en majorité des étudiants en médecine en fin de cycle, indique Didier Bavouset. Quelques étudiants en dentaire et pharmacie sont venus, mais par solidarité. En ce moment à Cluj se tient une conférence rassemblant une trentaine de doyens francophones d'universités de pharmacies françaises et étrangères, qui confirment que les étudiants en pharmacie ne connaissent pas les difficultés de ceux en médecine. »
Des conditions de vie à évaluer avant le départ
Même écho chez Rémi Baudin, père de Margaux Baudin, l'une des quatre jeunes femmes qui a mis fin à ses jours : « C'est apparemment beaucoup moins problématique en pharmacie qu'en médecine, avec l'ECN qui crée du surmenage. J'ai rencontré plus de 200-250 étudiants en médecine qui m'ont dit qu'en France, ils étaient dénigrés, présentés comme "ceux qui veulent contourner le numerus clausus", sous-entendu tricher, alors qu'ils veulent juste devenir médecins ! » Il met toutefois en garde sur les conditions de vie roumaines, qu'il juge difficiles, quelle que soit la spécialité choisie : « ce n'est pas la France. Ce n'est pas facile pour ces jeunes qui s'expatrient de passer cinq, six années en Roumanie. De plus, seules les trois premières années des cursus sont francophones. Les trois suivantes sont entièrement en roumain, cours compris », affirme-t-il.
Pour parer de nouveaux drames, plusieurs dispositifs ont été instaurés à Cluj : une cellule psychologique a été ouverte à l'université, un psychiatre a été dépêché par le ministère des Affaires étrangères et les étudiants ont mis en place une ligne d'appel d'urgence. Une quarantaine d'entre eux se relaient afin d'assurer 24 heures sur 24 ce service d'écoute. Quant à Rémi Baudin, il veille lui aussi au grain : il vient de monter l'APEFE - Dr Margaux (Association pour les étudiants français à l'étranger), destinée à aider les jeunes qui s'installent à l'étranger.