Les cabinets de médecine générale tournent à bas régime et les officines ne font guère mieux. D’après les chiffres présentés mercredi 15 avril devant la commission des Affaires sociales du Sénat par Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie, la baisse d’activité globale sur les soins de ville est évaluée à 350 millions d’euros par semaine sur les trois dernières semaines écoulées. Le chiffre d’affaires des officines est en nette décroissance à – 11 % (données arrêtées au 10 avril, source Groupement pour l’élaboration et la réalisation de statistiques, GERS) tandis que le nombre de consultations en médecine générale a chuté de 40 % durant la même période (données Assurance maladie).
Pourtant, les pharmacies ont dû gérer une explosion de leur activité autour du 17 mars, date du début du confinement, avec un afflux de patients souhaitant renouveler leurs traitements chroniques. Mais depuis, l'activité s'est brusquement réduite : la délivrance des hypocholestérolémiants, qui avait augmenté de 50 % durant la semaine du début du confinement, régresse à – 11 % quinze jours plus tard. Même évolution pour les antidiabétiques : + 58 % durant la semaine du 17 mars, puis – 7 % deux semaines plus tard.
Des freins aux soins
Tandis que la pandémie causée par le Covid-19 se pérennise, les autorités constatent un moindre recours des Français aux professionnels de santé. « Cette semaine, la pneumologie n'a vu aucun des patients habituels, expliquait le 1er avril le Dr Béthsabée Garel de l'hôpital Cochin à l’AFP. Les gens ont tellement peur qu'ils ne viennent pas ». Une analyse validée par les sondages, comme celui réalisé par Doctolib les 14 et 15 avril derniers : pour expliquer leur renoncement aux soins médicaux, les principales raisons évoquées par les patients utilisateurs de ce service de e-santé sont « la peur d’être contaminé (38 %) » et « la crainte de déranger le médecin en pleine épidémie (28 %) ».
Pourtant, les autorités de santé se sont rapidement émues du risque encouru par les patients se privant de soins. Ainsi, dans un communiqué daté du 23 mars, le conseil scientifique, qui conseille l'exécutif, rappelait que « l’épidémie de Covid-19 ne doit pas [...] affecter la prise en charge et le suivi des patients atteints de pathologies chroniques ». Dans les médias grand public, de nombreux praticiens ont pris la parole pour inciter les malades à poursuivre leurs suivis médicaux, à l’instar du Pr Pierre-Louis Druais, médecin généraliste et membre du conseil scientifique. « Il faut que ces patients sachent que, lorsqu’ils ont une maladie chronique, quand ils sont âgés, fragiles, quand un suivi est nécessaire et qu’ils le font habituellement avec des professionnels de santé, il faut continuer cette vigilance, ces soins parce que sinon cela pourrait être compliqué ou dramatique », indiquait-il sur BFM le 1er avril dernier. La Direction générale de la santé (DGS) a d’ailleurs mis en ligne une fiche de recommandations pour faire le point sur les modalités de prise en charge des différents profils de patients en ces temps d’épidémie.
Une communication à fluidifier
La situation échauffe en tout cas les esprits : les médecins libéraux de l'union régionale des professionnels de santé (URPS) Auvergne-Rhône-Alpes ont ainsi demandé « l'abrogation immédiate » des arrêtés autorisant les pharmaciens à renouveler les ordonnances pour des traitements chroniques. Selon eux, ces dispositions exceptionnelles contribueraient à placer les patients dans une « situation dangereuse ». Une réaction épidermique que tient à apaiser Fabrice Camaioni, pharmacien à Revin (Ardennes) et président de la commission Métier pharmacien à la FSPF : « Après un mois de confinement, nous constatons que le cadre législatif régissant les renouvellements des ordonnances pour traitements chroniques a bien fonctionné. Les pharmaciens ont rendu service et nos patients ont pu bénéficier d’une continuité dans leurs traitements. À présent, certains médecins ont modifié l’organisation de leurs cabinets : nous allons nous adapter à nouveau et rappeler aux patients que leurs médecins sont disponibles pour les recevoir ». Et de plaider pour une intensification de la communication entre professionnels de santé : « Médecins et pharmaciens doivent communiquer entre eux localement pour se tenir au courant de l’évolution de leurs organisations respectives, toujours dans l’optique de faire front uni face à la maladie pour accompagner au mieux nos patients. »