En février dernier, l'office fédéral chargé d'étudier et de relever les éventuels abus sur le prix du médicament s’alertait pour la troisième année consécutive de prix justement trop élevés sur son territoire : « La nouvelle comparaison internationale des prix […] a confirmé que [les médicaments] sont en Suisse environ deux fois plus chers qu’à l’étranger. » De fait, si l’on se fonde sur les tarifs pratiqués en France, un princeps dont le brevet est arrivé à expiration est, en moyenne, 61 % plus cher en Suisse. Un surcoût qui grimpe à 143 % si l’on compare le prix moyen des génériques entre les deux pays.
Remboursé si vous trouvez moins cher ailleurs
Entre autres mesures, celui que les ressortissants helvétiques appellent « Monsieur Prix » préconisait alors d'autoriser les assureurs à rembourser tous les médicaments achetés moins chers à l’étranger. Bien qu’à l’instar de la CSS, la plus grande compagnie d'assurance suisse, certaines compagnies d’assurance n’aient pas attendu le feu vert des autorités pour rembourser leurs assurés ayant acheté des médicaments sur ordonnance en France, l’État helvétique continuait encore en mars dernier à ne pas adhérer à ce mécanisme et à tancer ceux qui s’y adonnaient. Une position qu’il pourrait pourtant être amené à revoir dans un avenir très proche.
Parmi les trente-huit mesures d’économie que vient de proposer un groupe d’experts au Conseil fédéral, l'organe exécutif national, figure en effet le remboursement des médicaments achetés à l’étranger à des prix avantageux. Les « sept sages » le composant ouvrent donc la porte à un véritable exil pharmaceutique, pour le plus grand bénéfice des pharmaciens frontaliers, Français et Allemands en tête.
Semonce ou révolution ?
Sans surprise, la menace de voir une partie des assurés aller se fournir en médicaments en dehors des frontières du pays ne ravit pas les confrères suisses. Pointant le fait que le tourisme d’achat faisait déjà « des dégâts, en particulier dans les régions frontalières », le pharmacien et député genevois Jean-Luc Forni prévient que « les conséquences seront très dommageables pour la branche », d’autant qu’il estime déjà que plus de 10 % du chiffre d’affaires des pharmacies frontalières avec la France « file de l’autre côté de la frontière ». Du côté d’Interpharma, l’organisation faîtière des entreprises pharmaceutiques suisses, on avance en catastrophe les arguments que l’on peut en alléguant que « les médicaments achetés sur le sol suisse sont plus sûrs et plus efficaces » et, qu’en cas de complication, « aucun organisme suisse ne pourra être tenu pour responsable ». Reste à savoir si cette fois l'appel de l'office fédéral réussira à générer un réel bouleversement dans un pays particulièrement protectionniste sur ces questions.