Après des années d'immobilisme et de crispation politique sur le sujet, la possibilité de voir le cannabis s'ajouter à l'arsenal thérapeutique autorisé dans notre pays n'a jamais été aussi tangible. À la suite de l'avis du comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) sur l'« évaluation de la pertinence et de la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France », il vient d'être décidé que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) chapeauterait une expérimentation dans ce sens étalée sur quatre périodes de six mois chacune. L'objectif est non seulement « d'évaluer en situation réelle » les recommandations du CSST en matière de conditions de prescription et délivrance mais également de mesurer l'adhésion des professionnels de santé et des patients à ces conditions.
Les officines en bout de ligne
Dans la première mouture du projet communiqué par l'ANSM, différentes formes (à effet immédiat ou prolongé), préparations et galéniques du produit sont évoquées, de même que la prescription initiale qui sera réservée dans un premier temps aux médecins spécialistes exerçant dans des centres de référence pluridisciplinaires avec, ultérieurement, un relai possible par le médecin traitant du patient. Quant aux indications retenues pour cette phase expérimentale, elles sont au nombre de cinq : douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapies accessibles, certaines formes d'épilepsie pharmacorésistantes, dans le cadre des soins de support en oncologie et des situations palliatives ou encore dans la spasticité douloureuse de la sclérose en plaques ou des autres pathologies du système nerveux central. La dispensation de ces spécialités sera d'abord réservée aux pharmacies d'établissements (PUI), puis pourra se faire en officine de ville une fois le traitement du patient stabilisé.
Prohibition stérile
Au lendemain de cette annonce, le Conseil d'analyse économique (CAE) est allé beaucoup plus loin en proposant, le 20 juin, de « préparer la légalisation du cannabis » en France afin d'« instaurer un monopole public de la production et de la distribution » pour remédier à l'échec que constituent aujourd'hui la politique de prohibition et la législation très répressive qui n'a pas empêché que les mineurs français soient parmi les plus gros consommateurs de cannabis de l'Union européenne. Dans le domaine particulier du « cannabis médical », le CAE note que « la France, qui pourtant dispose d'un secteur pharmaceutique conséquent, a pris du retard sur la question ».
L'Académie tique sur la sémantique
Il n'y a pour le moment que du côté de l'Académie nationale de pharmacie que l'on fait grise mine. L'institution a publié un communiqué de presse le 17 juin dans lequel elle fustige l'appellation de « cannabis thérapeutique » qu'elle considère comme « abusive et dangereuse ». Rappelant que si la morphine et la codéine entrent bien dans la composition de médicaments, ce n'est pas pour autant qu'existe de « l'opium thérapeutique ». Derrière cette chicanerie sémantique, l'Académie cherche à mettre en garde « contre une banalisation de préparations de cannabis » qui ne seraient ni dosées ni contrôlées et ne pourraient dès lors « apporter les garanties d'un médicament ». Encore des débats en perspective…