Activé le 9 octobre dernier par l'Agence du médicament et des produits de santé (ANSM), le plan hivernal de lutte contre les pénuries de médicaments entame sa deuxième édition. La première version de ce plan a été déployée l'an dernier pour éviter les situations de tension survenues à l'hiver 2022-2023, marqué par une triple épidémie de Covid-19, bronchiolite et grippe. Cette année, le plan va anticiper les besoins et « les suivre de manière renforcée » pour prendre des mesures en cas de « blocage » dans l'approvisionnement, a indiqué Pierre-Olivier Farenq, responsable du Centre d'appui aux situations d'urgence, aux alertes sanitaires et à la gestion des risques (Casar) de l'ANSM.
Trois grands indicateurs
« Ce plan a été élaboré par tous les acteurs de la chaîne du médicament, y compris nous », a précisé Lucie Bourdy-Dubois, présidente de la commission Métier pharmacien de la FSPF, lors du Live hebdomadaire diffusé le 11 octobre par le syndicat. L'objectif étant que « les patients sortent de l'officine avec tous les médicaments prescrits ». Pour ce faire, trois grands marqueurs sont surveillés : les indicateurs épidémiologiques suivis par Santé publique France (SPF) sur les infections respiratoires aiguës (grippe, Covid-19 ou bronchiolite) ; les indicateurs sur l'approvisionnement générés par les données transmises par les industriels sur leurs prévisions, les grossistes sur leurs stocks, et les pharmaciens sur leurs ventes ; les indicateurs basés sur les remontées de terrain des pharmaciens et des patients.
En cas de tensions d'approvisionnement sur un produit, plusieurs leviers peuvent être mis en place tels que des contingentements qualitatifs (le médicament est alors réservé à certains patients pour qui l'indication est primordiale) et/ou quantitatifs (les industriels doivent alors garder des stocks et approvisionner à hauteur des besoins en évitant les surstocks). L'ANSM envisage également des importations ou le recours à des préparations magistrales qui sont « une des réponses pour pallier la tension de manière localisée et ponctuelle », a détaillé Pierre-Olivier Farenq, ainsi qu'une surveillance accrue des autres molécules de la classe concernée, pour éviter « un effet de déport ».
Surveillance de molécules sentinelles
Treize molécules dites « sentinelles » ont ainsi été placées sous surveillance renforcée pour la saison 2024-2025 parce qu'elles ont déjà fait l'objet de ruptures ou de fortes tensions l'an passé et sont les plus prescrites dans les infections respiratoires. La liste, évolutive, comprend : l'amoxicilline buvable (250 mg/5 ml, et 500 mg/5 ml) et l'amoxicilline orale 1 000 mg, l'amoxicilline/acide clavulanique orale (500 mg/62,5 mg) et buvable (100 mg/12,5 mg), et les macrolides azithromycine buvable (40 mg/ml) et clarithromycine buvable (25 mg/ml et 50 mg/ml), le corticoïde oral prednisolone (20 mg et 5 mg) et le corticoïde inhalé fluticasone en suspension 50 µg, ainsi que le bronchodilatateur salbutamol en suspension de 100 µg.
Pour certaines molécules comme l'amoxicilline, des « mesures anticipatrices » ont été prises dès l'été dernier, avec la mise en place d'un « canal d'approvisionnement 100 % grossistes pour les formes pédiatriques, et il n'est donc plus possible d'en commander en direct », a rappelé Lucie Bourdy-Dubois. Bien que l'amoxicilline soit distribuée « au compte-goutte pour encore beaucoup d'entre nous, les laboratoires ont indiqué être en mesure d'en assurer l'approvisionnement jusqu'en mars sans problème, et nous en aurons suffisamment pour couvrir les besoins », a-t-elle ajouté. Les mêmes mesures d'approvisionnement, directement par les grossistes, se mettent aussi en place à la demande de l'ANSM pour les macrolides, afin d'« assurer une répartition équitable des boîtes disponibles », selon Pierre-Olivier Farenq. Des tensions sont apparues sur cette famille d'antibiotiques en raison de la recrudescence de la coqueluche. Elles concernent surtout la forme pédiatrique, mais la forme adulte commence à être touchée.
Treize réunions
Treize réunions incluant la profession sont déjà programmées pour suivre ces divers marqueurs. « L'estimation des besoins de cette année a été faite sur une base plus pessimiste que l'an dernier, remarque Lucie Bourdy-Dubois. On surveille cette année comme l'an dernier, mais de façon plus large et plus précise, et potentiellement de manière plus efficace. » Par ailleurs, l'article 19 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, consacré aux ruptures, prévoit également des mesures qui viendront compléter ce plan de l'ANSM.