Notre pays a beau être en « guerre » contre le coronavirus, cela n’excuse pas tout. Dans un communiqué daté du 23 avril, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) s’inquiète du lancement de protocoles de recherche clinique illégaux et de prescriptions hors AMM non justifiées pour traiter des malades infectés par le SARS-CoV-2. « Dans les circonstances très particulières de la pandémie de Covid-19, l’Ordre est conscient du poids qui pèse sur les médecins en l’absence d’une thérapeutique spécifique, mais [ils] doivent être un repère encore plus fiable pour les patients », écrit le Cnom, qui juge « inadmissible dans ce contexte de susciter de faux espoirs de guérison ».
Apprentis sorciers
Quelques jours auparavant, le Collectif FakeMed était monté au créneau pour dénoncer certaines pratiques médicales actuellement constatées et dont les médias se font l’écho, semant le trouble dans l’esprit des malades. « La peur engendrée par une crise sanitaire ne saurait permettre d’abuser les patients, souligne son président Cyril Vidal. Ces conditions exceptionnelles ne doivent pas être le prétexte pour jouer aux apprentis sorciers. » Pour lui, la « seule boussole [des professionnels de santé] doit être leur code de déontologie qui leur interdit rigoureusement de s’exonérer des règles prévues en matière d’expérimentation clinique ». Car, depuis le début de l’épidémie, le Collectif déplore « l’apparition chaque semaine de nouveaux traitements parfois présentés comme miraculeux, ne reposant le plus souvent sur aucune base clinique fiable ». Et de pointer la mise en place par certains praticiens de « protocoles sauvages dans leur service hospitalier ou leur cabinet de ville, que ce soit avec des antibiotiques, du zinc, de la chloroquine, de l’héparine, de la vitamine C, des corticoïdes inhalés, des granules homéopathiques, voire du soda aux extraits de quinquina ». Des pratiques qui ont pu être observées au comptoir et qui posent également question chez de très nombreux pharmaciens, inquiets devant la recrudescence d’ordonnances atypiques.
Les conseils départementaux saisis
De son côté, le Cnom dit avoir informé l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) des protocoles qui s’inscrivent en dehors de la législation en vigueur. L’instance indique également que les conseils départementaux de l’Ordre où les médecins concernés exercent ont été invités à recueillir les explications de leurs confrères sur leurs dits protocoles, leur rappeler leurs obligations déontologiques inscrites dans le Code de la santé publique et à informer le Conseil national des suites qu’ils donneront à ces cas. « La mise en danger des patients, s’il apparaissait qu’elle puisse être provoquée par des traitements non validés scientifiquement, pourrait justifier dans ces circonstances la saisine du directeur général de l’agence régionale de santé pour demander une suspension immédiate de l’activité de ces médecins », prévient le Cnom, bien décidé à siffler la fin de la partie.