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Menace sur le dépistage du cancer colorectal

Une décision de justice met en péril le dépistage du deuxième cancer le plus meurtrier en France.

Le dépistage organisé du cancer colorectal qui existe en France depuis 2009 et dont les officinaux font régulièrement la promotion pourrait connaître un arrêt brutal à partir du 1er août. La faute à une décision de la cour administrative d’appel de Paris, le 25 avril, qui annule le marché conclu fin 2014 entre l’Assurance maladie et le consortium formé par le laboratoire Cerba et l’entreprise Daklapack pour la fourniture des kits de dépistage et l'analyse de leurs résultats. Utilisé depuis avril 2015 en remplacement du test au gaïac Hemoccult II, le test immunologique OC-Sensor qui est à la fois plus simple d’utilisation, plus rapide à interpréter et plus performant que son prédécesseur n’est pas en cause. C’est le choix du prestataire, opéré fin 2014 à l’issue d’un appel d’offres européen, que contestent devant les tribunaux deux candidats qui n’ont pas été retenus. Ils affirment que la décision finale a été affectée d’un « vice de consentement » lié à l’intégration de la TVA a posteriori dans le coût du marché. Un grief initialement rejeté par le tribunal administratif de Paris en septembre 2016 mais qu’a finalement retenu la cour d’appel, au grand dam de l’Assurance maladie qui s’est immédiatement pourvue en cassation et a demandé un sursis à l'exécution de ce jugement.

Les biologistes s'y verraient bien

Alors que ce marché arrive à échéance à la fin de l’année, la décision de le résilier cinq mois avant son terme inquiète fortement l’Assurance maladie. Elle objecte, dans un communiqué en date du 27 avril, qu’elle risque de « compromettre la mise en œuvre d’un dépistage [qui] répond à un très fort enjeu de santé publique » puisque le cancer colorectal est le troisième cancer le plus fréquent avec 45 000 cas estimés par an et le deuxième le plus meurtrier avec 20 000 morts chaque année. Elle estime également que l’argument porté par la cour d’appel qui met en avant l’existence d’autres tests « aisément accessibles » ne constitue pas une justification à l’arrêt du marché, « car l’enjeu n’est pas tant la disponibilité des tests que l’organisation de leur fourniture et de leur lecture gratuites, à l’échelle nationale ». La demande de sursis à l’exécution du jugement déposée par l’Assurance maladie n’ayant pour l’heure pas encore été acceptée, plusieurs scénarios sont envisagés pour assurer la continuité d’un programme de dépistage dont le taux de participation a atteint cette année 33,5 %, en hausse de 5 points par rapport à l’exercice précédent. L’un d’entre eux a d’ailleurs été opportunément élaboré par le Syndicat des biologistes (SDB) qui, le 2 mai, a proposé à l’Assurance maladie ses services dans l’optique de « tester un changement de modèle d’organisation du dépistage du cancer colorectal »

Par Benoît Thelliez

3 Mai 2018

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