Commandé à Jacques Biot par le gouvernement en novembre 2019, le rapport de la « mission stratégique visant à réduire les pénuries de médicaments essentiels » a été finalisé en février 2020 mais ses recommandations n'ont été rendues publiques que le 18 juin. S'attachant dans une première partie à identifier les multiples raisons pouvant mener à des situations de pénurie de certaines spécialités, le document pointe que « la fréquence actuelle des ruptures de stock, et surtout la difficulté à y remédier une fois qu'elles sont établies », résultent à la fois de « l'absence de visibilité par les acteurs sur les maillons potentiellement fragiles de la chaîne d'approvisionnement d'une spécialité générique donnée », mais également de « la difficulté, voire l'impossibilité, pour des raisons réglementaires, de lancer rapidement une alternative industrielle en cas de pénurie avérée ». Les auteurs estiment enfin que « l'absence de leviers économiques, en ville comme à l'hôpital, pour favoriser le maintien des productions menacées et a fortiori pour encourager la relocalisation en Europe » est un critère à sérieusement considérer si l'on veut lutter efficacement contre le phénomène des ruptures. C'est d'ailleurs sur la base de cette observation que le Comité stratégique de filière (CSF) « élaborera un plan d’action qui reposera sur le recensement de projets industriels pouvant faire l’objet de relocalisations » dans le cadre du « plan d’action pour la relocalisation des industries de santé en France » qui vient d'être annoncé par le gouvernement.
Moderniser les moyens de surveillance de l'ANSM
Après analyse des causes, les participants à la mission ont défini un ensemble de recommandations stratégiques qui ont vocation à être mises en œuvre à plus ou moins courte échéance. Ils proposent ainsi de « doter l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) d'un système d'information moderne, intégrant de manière automatisée une cartographie détaillée et à jour, opérateur par opérateur et site par site, de l'ensemble des étapes de production de la totalité des spécialités commercialisées ». L'objectif est d'« identifier de manière prospective les spécialités pour lesquelles [...] une ou plusieurs étapes de production amont [...] sont vulnérables car concentrées chez un seul façonnier ou chez un petit nombre d'entre eux ». Outre l'instauration d'une coopération internationale réglementaire afin d'harmoniser les pratiques relatives aux molécules anciennes et le partage d'informations entre autorités sanitaires nationales, ils préconisent également de « favoriser l'émergence éventuelle d'un leader national susceptible de jouer un rôle consolidateur » et, pour certaines spécialités identifiées comme exposées au risque de pénurie, de « procéder de manière anticipée à des appels à projets en vue de la relocalisation en Europe ».
Inverser la courbe des prix
Mais la recommandation qui devrait ravir à la fois les industriels et les pharmaciens d'officine tant elle va dans le sens d'une de leurs revendications sans cesse renouvelée concerne la politique de baisse de prix des médicaments. Le rapport fait ainsi état de la nécessité de mettre en place un « dispositif réglementaire adapté pour que le Comité économique des produits de santé (CEPS), retrouvant sa vocation initiale, soit légitime à prendre en considération les perspectives industrielles et puisse [...] moduler, annuler, voire inverser les baisses de prix imposées à certaines spécialités anciennes dont le tarif de remboursement devient asymptotique au prix de revient ».