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Le Pr Philippe Even pris la main dans le sac

À quelques jours de la parution de son nouvel ouvrage Corruptions et crédulité en médecine, l'Agence de presse médicale (APM) dénonce des liens d'intérêts sur lesquels le Professeur Philippe Even s'est toujours tu. Celui qui avait co-écrit en 2012 le très médiatique Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux et qui prend régulièrement la parole pour dénoncer la corruption et les conflits d'intérêts entre médecins, État et industrie pharmaceutique préside depuis 1990 l'Institut Necker qu'il a fondé. Mais qui savait ce que c'était ? 

L'APM a joint l'ancien président de l'université Paris-Descartes qui explique que l'Institut Necker est un « centre de gestion de crédits de recherche privés obtenus par les chercheurs ». Concrètement, 4 millions d'euros y sont « déposés » chaque année, dont environ la moitié par l'industrie pharmaceutique, l'autre par des fondations privées. L'institut travaille pour une centaine de laboratoires de recherche français et finance, outre des projets de recherche, des équipements, les voyages des chercheurs ou leur prise en charge en contrats à durée déterminée avant leur nomination. Le site Transparence.sante.gouv.fr recense ainsi, entre 2013 et le premier semestre 2015, 45 conventions de recherche et 17 avantages, dont les montants varient de 600 à 35 000 euros. Parmi ceux-ci, 67 000 euros de « dons de fonctionnement » versés par Astellas en 2014 puis 41 500 euros en 2015. Apparaissent également des « prestations de service » pour l'industrie. Interrogé, le Pr Even met en avant qu'il signe « entre 15 et 20 [contrats] tous les matins » et ne peut donc pas tous les connaître...

Quant à la contradiction entre son discours et son activité à la tête de l'Institut Necker, il répond qu'en tant que « gestionnaire », il n'a aucun lien financier personnel avec l'industrie pharmaceutique. Ce qui expliquerait pourquoi il avait préfacé le Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux d'un « [les auteurs] n'ont, et n'ont jamais eu, de lien financier avec l'industrie pharmaceutique » « Je ne dénonce pas les contrats de recherche », ajoute-t-il auprès de l'APM. Toujours est-il que son ouvrage à paraître le 10 septembre entend expliquer pourquoi les firmes « fabriquent des maladies qui n'existent pas » et comment elles « falsifient les études de centaines de médicaments », selon un communiqué de presse des Éditions du Cherche-Midi. Il y décrit en outre une industrie « hors de tout contrôle » et « infiltrée à tous les niveaux décisionnels nationaux et internationaux, politiques, administatifs, universitaires et médicaux ». Avec quelle crédibilité désormais ?

Par Anne-Laure Mercier

2 Septembre 2015

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