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Prescription du pharmacien : « pour, donc contre » !

L'amendement au PLFSS portant sur l'expérimentation de la prescription pharmaceutique a été rejeté dans une certaine confusion.

© FOTOLIA/THOMAS REIMER

Il fallait être bien concentré pour comprendre ce qui s’est passé dans l’hémicycle de l’Assemblée, le vendredi 26 octobre, au moment du vote de l’amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2019 portant sur l’expérimentation dans deux régions et pour trois ans de la dispensation par les pharmaciens « de certains médicaments à prescription médicale obligatoire [PMO] dans le cadre d’un protocole conclu avec le médecin traitant ». Porté par la députée Delphine Bagarry (LREM, Alpes-de Haute-Provence), il avait été adopté le 17 octobre en commission des Affaires sociales et reçu l'aval du rapporteur du PLFSS, le député Olivier Véran (LREM, Isère). Le même qui, en séance plénière quinze jours plus tard, a expliqué qu’il était « favorable, donc défavorable » au dit amendement. Une apparente contradiction qu'il a justifiée en expliquant que le texte était « redondant » avec une autre disposition adoptée la veille ; la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, ayant évoqué la même raison pour émettre un avis également défavorable… quelques jours après en avoir défendu le principe dans les médias. L'amendement a finalement été rejeté, dans une ambiance assez confuse puisqu'il a fallu au président de séance procéder à un second vote pour s'assurer du comptage des voix.

Revoilà le pharmacien correspondant

Plutôt que de soutenir l'amendement présenté par Delphine Bagarry, Olivier Véran et Agnès Buzyn ont donc préféré se rabattre sur celui porté par le député Thomas Mesnier (LREM, Charente) qui réactive le dispositif du « pharmacien correspondant » en instaurant un cadre expérimental moins contraignant que celui initialement inscrit dans la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST) du 21 juillet 2009 dont il est issu. Pour le rapporteur du PLFSS et la ministre de la Santé, ce texte, qui autorise le pharmacien à « renouveler périodiquement des traitements chroniques ou en adapter la posologie, en lien étroit avec le médecin traitant », serait donc suffisant pour permettre l'expérimentation de la prescription de PMO par les pharmaciens, si tant est qu'il soit adossé au dispositif crée par l'article 51 de la LFSS 2018 sur les expérimentations et leur financement. Un avis que ne partage pas Delphine Bagarry pour qui le texte adopté la veille « n'a pas du tout pour objet [de permettre] au pharmacien de pouvoir traiter certaines pathologies sans passer par le médecin », a-t-elle déclaré dans l'hémicycle. La députée n'a d'ailleurs pas dû être la seule étonnée quand la ministre, après avoir émis son avis défavorable, a repris la parole pour expliquer, très concrètement, pourquoi il était important d'offrir une solution rapide et efficace aux patients ne pouvant consulter rapidement un médecin dans des cas très simples à traiter comme la cystite. Défendue par l'Ordre et les syndicats de pharmaciens, l'éventualité d'une introduction dans la loi de cette « prescription pharmaceutique » a unanimement fait bondir les syndicats de médecins libéraux dont les vives protestations ont, semble-t-il, réussi à faire quelque peu fléchir une ministre pourtant convaincue. 

Par Benoît Thelliez

30 Octobre 2018

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