« C’est une catastrophe, cette manière de faire », lâche Philippe Besset lors de son Live hebdomadaire. Le président de la FSPF avait pourtant pris le temps de rencontrer les parlementaires à l’initiative ou en soutien de la proposition de loi (PPL) « tendant à préserver l’accès aux pharmacies dans les communes rurales ». Et d’expliciter la problématique des officines en milieu rural ou en territoires fragiles. De fait, cette audition poussée avait conduit l’auteure de la PPL, Maryse Carrère (RDSE), à réécrire le texte.
« Le dispositif initial autorisait l’ouverture d’une officine dans une commune de moins de 2 500 habitants dès lors que cette commune se situe dans une zone géographique constituée de communes contiguës dépourvues d’officine et qui, ensemble, totalisent au moins 2 500 habitants », expliquait la sénatrice, lors de l’examen en séance publique le jeudi 11 avril dernier. Un dispositif semblable à ce que prévoit l’ordonnance du 3 janvier 2018, cette dernière ajoutant la présence obligatoire d’une commune d’au moins 2 000 habitants, mais inappliqué en l’absence d’un décret dit « Territoires fragiles » attendu depuis près de six ans. Notant « l’opposition des syndicats de pharmaciens qui nous accusaient de vouloir désorganiser le réseau », Maryse Carrère a trouvé une solution consensuelle : « L’article unique a été réécrit pour demander au gouvernement de publier le décret […] « Territoires fragiles » avant le 1er octobre. » Sans quoi, l’ordonnance devenait directement applicable par les agences régionales de santé (ARS).
Des solutions contre-productives
Malgré l’adoption de cet article unique en séance plénière et l’engagement du ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, de publier le décret dans le délai demandé et même de proposer « un texte à la concertation dans les prochains jours », un amendement du sénateur Cédric Vial (LR) a balayé le consensus. Son objet : revenir à la PPL initiale. Malgré un double avis défavorable de la rapporteure et du gouvernement, il a été adopté à une large majorité (211 pour, 124 contre).
« La réalité des difficultés des pharmacies en milieu rural est telle que de nombreux acteurs s’en saisissent, avec des solutions parfois contre-productives », déplore Philippe Besset. Le regret est d’autant plus amer que « nous étions tombés d'accord sur un texte d’équilibre soutenu par la commission des Affaires sociales du Sénat et par les sénateurs spécialistes du sujet ». Le retournement de situation a surpris et mécontenté les plus au fait de la problématique. « Le sujet n’est pas d’ouvrir de nouvelles pharmacies en zone rurale, mais de maintenir, préserver et assurer la transmission de celles qui existent », martèle le président de la FSPF.
Coup de force
Résultat, ce texte n’arrivera pas avant l’automne prochain à l’Assemblée nationale, prédit le syndicat, retardant encore l’application de solutions urgemment nécessaires en zones fragiles. D’ici là, la FSPF se prépare à devoir « expliquer encore et encore, à un maximum de personnes, pourquoi le texte doit être remanié ».
Se disant « un peu meurtri par ce coup de force », Philippe Besset rejoint la conclusion du président de la commission des Affaires sociales, Philippe Mouiller, qui a insisté sur sa déception après tout le travail effectué en amont, et sur sa conviction qu’en « voulant bien faire, on a fait le contraire ». Persuadé que ce texte n’ira jamais au bout de son parcours législatif, il craint que l’objectif poursuivi ne soit pas atteint, alors même que « nous avions obtenu l’accord du gouvernement pour la publication du décret manquant dans les délais demandés ».