La dispensation des patchs nicotiniques, habituellement utilisés dans le cadre du sevrage tabagique, vient d’être encadrée par un arrêté paru au Journal officiel du 24 avril. Jusqu’au 11 mai prochain, leur délivrance est « limitée au nombre de boîtes nécessaires pour un traitement d'une durée de 1 mois ». De plus, « le nombre de boîtes dispensées [doit être] inscrit au dossier pharmaceutique, que le patient ait ou non présenté une ordonnance médicale ». Les patients accros à la cigarette seront tous redirigés vers les officines puisque « la vente par Internet [de ces spécialités] est suspendue. » Si les pouvoirs publics légifèrent sur le sujet, tout porte à croire que c'est pour éviter à la nicotine de faire l'objet d'un emballement populaire, à l'image de celui que connaît l'hydroxychloroquine. Des chercheurs français ont en effet communiqué mardi 21 avril sur la possibilité d’un effet protecteur de cette molécule vis-à-vis du SARS-CoV-2.
Les fumeurs moins contaminés
Dans un article publié dans la revue Comptes Rendus-Biologies de l’Académie des sciences, des chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), de l'université de la Sorbonne, du Collège de France et de l’Institut Pasteur « postulent un rôle central du récepteur nicotinique de l’acétylcholine dans la propagation et la physiopathologie du Covid-19 ». Cette conclusion s’appuie sur deux constats. Le premier est que « les fumeurs actifs sont protégés contre l’infection par SARS-Cov-2 », d’après différentes observations sur les profils de patients touchés par la maladie. Actuellement, les raisons de cette protection ne sont pas établies mais « la nicotine pourrait être un candidat ».
Un lien avec l’orage cytokinique
Le second constat a trait à l’implication du récepteur nicotinique de l’acétylcholine dans l’infection par le SARS-CoV-2. « L’état hyper-inflammatoire et l’orage cytokinique décrits chez les patients Covid-19 graves pourraient s’expliquer par l’intervention du récepteur nicotinique de l’acétylcholine ». En effet, « l’acétylcholine [est connue pour exercer] un effet régulateur de l’inflammation, par son action sur le récepteur nicotinique [présent sur les macrophages] ». Le dérèglement de ce récepteur entraîne une hyperactivation macrophagique, avec sécrétion de cytokines pro-inflammatoires – comme on l’observe chez les patients Covid-19. De plus, « cette altération du récepteur nicotinique est à l’origine de l’état résiduel inflammatoire » que l’on retrouve chez les patients obèses ou diabétiques et qui « pourrait être amplifié en cas d’infection par le SARS-CoV-2 ». Cette hypothèse expliquerait pourquoi ces deux comorbidités sont si fréquemment retrouvées dans la population des cas graves de Covid-19.
Si des études cliniques pour évaluer l’effet d’un traitement par nicotine sur l’infection par SARS-CoV-2 ont évidemment été lancées, le professeur Salomon, directeur général de la Santé, a invité les Français « à ne pas confondre pistes de recherche et faits établis » dans son allocution de mercredi 22 avril. « Il ne faut pas oublier les effets néfastes de la nicotine, a-t-il précisé. Ceux qui ne fument pas ne doivent pas se ruer sur les substituts de nicotine, qui ont des effets secondaires : vomissements, addiction… ».