Alors que tous les indicateurs laissent penser que la France devrait passer sous peu au stade 3 de l'épidémie de covid-19, le système de santé s'organise tant bien que mal. Et parmi les sujets qui agitent les médias tout autant qu'une partie du corps médical, celui des masques de protection n'est pas celui qui fait le moins débat. Y en aura-t-il assez pour tout le monde ? Quel modèle de masque pour quelle situation ? Qui peut s'en procurer pour le moment ? Autant de questions auxquelles les autorités de santé ont répondu très concrètement.
Les pharmaciens à la fois dépositaires et répartiteurs
Le 3 mars, la Direction générale de la santé (DGS) a communiqué à tous les pharmaciens, via l'interface du dossier pharmaceutique, que chaque officine allait recevoir de son grossiste-répartiteur d'ici au 8 mars un minimum de 10 boîtes de 50 masques antiprojection (aussi appelés « masques chirurgicaux » ou FFP1) issues du stock national. Après avoir estampillé chacune de ces boîtes d'une étiquette mentionnant « stock État », les pharmaciens seront chargés d'en remettre un exemplaire à chaque professionnel de santé (médecin généraliste, spécialiste, infirmier diplômé d'État, sage-femme, masseur-kinésithérapeute et chirurgien-dentiste) se présentant à l'officine avec sa carte CPS. Selon les besoins, il est prévu que de nouveaux approvisionnements soient assurés ultérieurement. En attendant, la FSPF rappelle aux officinaux qu'il est fortement conseillé de conserver l'identité de chaque professionnel à qui une boîte a été remise et enjoint les pharmaciens, étrangement absents de la liste des bénéficiaires du système de répartition, de conserver une boîte pour le personnel de l'officine et les patients à risque qui pourraient s'y présenter.
Vente interdite
Si la vente de masques issus de la dotation de l'État est évidemment interdite, un décret publié le 4 mars au Journal officiel avec application immédiate met en place la réquisition de l'ensemble des masques (de type chirurgical ou FFP2) jusqu'au 31 mai 2020. Ceci implique que plus aucune vente de masque n'est pour le moment autorisée en officine, même s'agissant de ceux provenant du stock de la pharmacie elle-même. Les fabricants étant également concernés par la réquisition, aucune commande ne pourra de fait être honorée et la FSPF met en garde contre des propositions en ce sens qui seraient de facto frauduleuses.
Les généralistes montent au créneau
De son côté, le Centre national des professions libérales de santé (CNPS) « souhaite que l'ensemble des libéraux de santé puisse avoir rapidement accès à ce matériel de protection dès qu'il sera disponible ». Il réclame également que « les stocks de masques soient renouvelés au fur et à mesure » et que « les lots nécessaires soient [...] mis à disposition de la ville dès que les commandes de masques FFP2 annoncées par le ministre de la Santé auront été honorées ». Une préoccupation reprise par le Syndicat des médecins libéraux (SML) qui, dans un communiqué en date du 5 mars, déplore que de nombreux médecins ne soient toujours pas parvenus à se procurer de masques délivrés via les pharmaciens alors même qu'il leur est conseillé, en présence d'un patient présentant des signes d'infection respiratoire, d'adopter le principe du double masque. Le SML rappelle par ailleurs que de nombreux professionnels libéraux de ville ont besoin de masques FFP2 « afin de pouvoir réaliser des actes invasifs dans les meilleures conditions de sécurité », mais que leur usage est pour le moment réservé aux professionnels hospitaliers. Une revendication reprise par la branche Spécialistes de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) qui demande, le 6 mars, que « les professionnels de santé effectuant des gestes invasifs en particulier sur la sphère oropharyngée puissent bénéficier de masques filtrants de protection de type FFP2 aujourd'hui réservés aux seuls personnels hospitaliers formés excluant de fait les médecins spécialistes libéraux ». Le 4 mars, certains médecins généralistes ont d'ailleurs déposé devant le tribunal administratif de Paris un référé « mesures utiles » afin d'obliger les autorités de santé à leur distribuer des masques FFP2 dont Olivier Véran a admis devant les députés qu'il n'y en avait aucun en réserve dans le stock d'État, uniquement constitué de 145 millions de masques de modèle FFP1.