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Trente personnalités font pression sur Servier

Pour accélérer l'indemnisation des victimes du Mediator, Irène Frachon exhorte la communauté médicale à rompre ses partenariats avec Servier. Son « manifeste des 30 » a déjà recueilli plus de 2 000 signatures.

© Manifestedes30.com

 

« Si les représentants du laboratoire Servier déclarent devant les micros vouloir indemniser les victimes du médicament Mediator, leurs avocats sont engagés dans une guérilla juridique qui désespère les malades, dont certains sont mourants. Dans le même temps, certains médecins poursuivent leurs partenariats institutionnels avec Servier, malgré les éléments graves qui pèsent sur cette entreprise et son comportement inacceptable. Nous, signataires de ce manifeste, exhortons les professionnels de santé à reconsidérer leurs liens avec [ce] groupe pharmaceutique. » Trente personnalités, sur une initiative d'Irène Frachon, la pneumologue à l'origine de la découverte du scandale du Mediator, en appellent ainsi aux « obligations légales et morales » du laboratoire comme de la profession médicale. Parmi elles, François Autain, Gérard Bapt, Jean-François Bergmann, Rony Brauman, François Chast, Dominique Dupagne, Philippe Foucras, André Grimaldi, Axel Kahn, Israël Nisand ou Didier Sicard. Depuis la mise en ligne de ce « manifeste des 30 » mercredi 27 août, plus de 2 000 signatures les ont rejointes, comme celles de Dominique Maraninchi, l'ancien directeur général de l'Agence du médicament (ANSM), du médecin et écrivain Martin Winckler et de Joseph Emmerich, ancien directeur produit Cardiologie, Endocrinologie, Gynécologie, Urologie à l'ANSM.

Déontologie

Le site du manifeste explique que ce sont « les nombreux messages de sympathie » qu'Irène Frachon a reçus après son intervention sur RTL début août qui l'ont « convaincue de donner un support public à l'expression de [sa] révolte face au double langage de Servier ». Elle y dénonçait « le cynisme et la crauté » des avocats du laboratoire à l'égard des victimes du Mediator et expliquait pourquoi le procès pénal serait tardif. C'est à cette occasion qu'elle appela la communauté médicale à se mobiliser pour débloquer la situation : « Aujourd'hui, le scandale du Mediator, c'est le silence des médecins, [...] des sociétés savantes, [...] et de l'Académie de médecine. Je ne l'accepte pas et je ne le pardonnerai jamais à mes pairs. »  Il ne s'agit pas de condamner le laboratoire ni de boycotter ses produits, mais d'arrêter de travailler avec Servier tant que les indemnisations des victimes du Mediator n'ont pas été correctement réglées. Le professeur André Grimaldi, diabétologue à l'hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris, estime que le Leem (Les Entreprises du médicament), en suspendant Servier de toutes ses instances en 2011 – une première – « a mieux compris l'enjeu que la communauté médicale ».

[Mise à jour du 28 août : Dans un communiqué diffusé jeudi 28 août, le groupe Servier « dénonce [cette] polémique lancée sur Internet », qu'il juge « infondée au regard de l'analyse factuelle du processus d'indemnisation en cours ». Sur les 1 300 dossiers retenus par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) et transmis au laboratoire, « seuls 8 cas n'ont pas reçu pour le moment d'offre d'indemnisation », affirme-t-­il. Il « réfute » également tout « comportement contraire à l'éthique » vis-à-vis des victimes. Pourtant, l'Oniam avait lui-­même annoncé en juin son obligation de se substituer à Servier pour indemniser 5 personnes et de poursuivre le laboratoire pour recouvrer les sommes versées, pointant un changement d'attitude. Le président du collège d'experts chargé d'examiner les demandes rapportait quant à lui que l'industriel contestait chaque dossier. Servier conclut son communiqué en faisant valoir son soutien aux sociétés savantes et aux congrès scientifiques « comme beaucoup d'autres ».]

 

Par Anne-Laure Mercier (avec APM)

27 Août 2015

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