Difficile de passer à côté de cette information relayée dans la quasi-totalité de la presse nationale et régionale. « Liste noire », « rapport accablant » ou encore « Attention danger ! », les référence à l’étude publiée dans le dernier hors-série de 60 millions de consommateurs sur les risques liés à certaines spécialités d’automédication ne font pas dans la dentelle. Concrètement, le magazine de l’Institut national de la consommation (INC) a passé en revue 62 médicaments délivrables sans prescription et son verdict est, comme toujours, sévère.
Manière forte...
Selon les deux experts responsables de l’étude, le professeur Jean-Paul Giroud, pharmacologue clinicien membre de l’Académie de médecine, et la pharmacienne Hélène Berthelot, chercheuse à la faculté de médecine de Bobigny, « seulement 21 % [des médicaments examinés] sont à privilégier pour leur rapport bénéfices/risques favorable ». Un tiers hérite d’un « faute de mieux » et 28 seraient carrément « à proscrire ». Parmi ces derniers, on retrouve les produits phare de l’automédication antirhume, associant deux à trois principes actifs (vasoconstricteur, antihistaminique et paracétamol ou ibuprofène).
Dans ce contexte, certains spécialistes du médicament optent pour la manière forte. C’est le cas du professeur François Chast, président honoraire de l’Académie de pharmacie, qui estime dans un entretien donné le 15 novembre au quotidien régional Le Télégramme que des molécules comme les dérivés de l'éphédrine ou de la pseudoéphédrine « devraient être retirées du marché » en raison des risques d’effets indésirables cardio-vasculaires. Fin 2016, un pharmacien bordelais, François Couchouron, avait vu sa décision de ne plus commercialiser de médicaments contre le rhume contenant de la pseudoéphédrine retenir toute l’attention des médias.
... ou confiance ?
Mais, pour la FSPF, les spécialités épinglées par l’étude « sont des médicaments à part entière [dont], quotidiennement, le pharmacien d’officine accompagne [la] délivrance, comme pour tout médicament, d’informations et de conseils sur leur bon usage », déclare-t-elle dans un communiqué en date du 15 novembre. C’est également l’opinion du professeur Philippe Even, pneumologue et coauteur en 2012 avec le professeur Bernard Debré du retentissant Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux qui assure « faire entièrement confiance aux pharmaciens quand il s’agit de la délivrance de médicaments dont ils connaissent les propriétés bien mieux que les médecins ».
La position de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pourrait, elle, évoluer. Depuis 2008, plusieurs mises en garde ont été émises et, dans une note datant de fin 2012 destinée aux professionnels de santé, elle rappelait déjà les risques liés aux vasoconstricteurs. Mais si elle disait alors préférer se tourner vers les pharmaciens d’officine « dont le rôle de conseil est particulièrement important pour le respect du bon usage de ces médicaments », elle ne nie pas aujourd'hui qu'une réflexion est engagée sur un passage en prescription médicale obligatoire des vasoconstricteurs...