Un million de switchs selon les patients, 500 000 selon les autorités… Une bataille de chiffres s'est engagée jeudi 8 mars à propos du nombre de patients ayant arrêté la nouvelle formule du Levothyrox au profit de l'une des cinq alternatives dorénavant proposées. L'association Vivre sans thyroïde a dégainé la première en affirmant dans un communiqué de presse qu'« au moins un million » sur les 3,3 millions de patients français sous Levothyrox « s'en sont détournés avec l'appui de leurs médecins ». Pour aboutir à cette estimation, l'association a dépouillé une vaste base statistique, publiée début février par l'Assurance maladie, sur les volumes de tous les médicaments remboursables. Des chiffres qu'elle juge « en contradiction complète avec les affirmations officielles des pouvoirs publics » : l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) indiquait, dans son enquête de pharmacovigilance de janvier, qu'environ 17 000 personnes, soit 0,75 % de l'ensemble des patients, ont signalé des effets indésirables « potentiellement en lien » avec la nouvelle formule du Levothyrox.
Initiation ou switch ?
Ce vendredi 9 mars, sur la base de données de l'Assurance maladie pour décembre 2017, l'ANSM affirme que quelque 500 000 patients ont préféré opter pour une alternative à cette nouvelle formule « mais nous n'avons pas du tout d'indications pour savoir si c'est en initiation de traitement ou en switch », a indiqué un porte-parole à l'Agence de presse médicale (APM). Il a ajouté que cette précision serait connue « d'ici à fin avril » et que ces 500 000 patients n'ont pas forcément ressenti d'effets secondaires. Toujours selon le porte-parole de l'ANSM, Vivre sans thyroïde aurait fait l'erreur de compter le nombre de comprimés : une boîte de la nouvelle formule en contient 30 pour un mois, contre 100 pour trois mois chez les spécialités alternatives. Mais l'association maintient ses chiffres : elle assure avoir pondéré le nombre de comprimés et pris en compte les types de dosage. « Nous avons essayé d'être très prudents », déclare ainsi sa présidente Beate Bartès.
7 000 plaintes
Pour le patron de Merck Biopharma France, également interrogé par l'APM, certains « font dans le business de la contre-vérité » : les chiffres de l'ANSM sont ainsi « loin des données fantaisistes qu'on a entendu la veille ». Thierry Hulot indique que le laboratoire a perdu « environ 11 % de parts de marché » en nombre de boîtes – Vivre sans thyroïde évoque une perte de 31 % de parts de marché au dernier trimestre 2017 –, revenant « à des parts de marché qu'[il] avait antérieurement, quand il y avait d'autres acteurs » ; il rappelle à ce titre que Merck se trouvait alors dans une situation de monopole subi. Pendant ce temps, un juge d'instruction a été nommé lundi 6 mars à Marseille pour enquêter sur les 7 000 plaintes déposées « pour tromperie aggravée, mise en danger d'autrui et blessures involontaires »…