En France, contrairement aux États-Unis et au Canada qui font actuellement face à une crise majeure de santé publique due aux opioïdes prescrits à tort et à travers, la prescription et la délivrance des stupéfiants sont très encadrés. Registre spécifique, ordonnances sécurisées... vous connaissez la musique. Mais, pour drastiques qu'elles soient, ces règles sont-elles respectées ? Une thèse de doctorat en médecine récemment soutenue à l'université de Strasbourg par Régine Kihm et intitulée « Évaluation de la conformité des prescriptions de médicaments stupéfiants et assimilés stupéfiants » semble répondre par la négative. L'étudiante médecin a pour cela interrogé onze officines bas-rhinoises et analysé 411 prescriptions de médecins pour des stupéfiants ou assimilés, dans la moitié des cas (44,8 %) des traitements de substitution aux opiacés, le reste étant constitué d'antalgiques de palier 3 (41 %), de méthylphénidate ou d'autres molécules comme la tianeptine (Stablon), le zolpidem ou le clonazépam (Rivotril).
Délivrance au cas par cas
Pour les points positifs : dans plus de 9 cas sur 10 (92,9 %), les ordonnances utilisées sont du bon modèle. Concernant les autres règles de prescription des stupéfiants, les résultats sont plus variables : les dosages ne sont pas rédigés en toutes lettres dans un quart des cas (24,2 %), la durée de traitement est soit non conforme soit non mentionnée dans 15 % des cas, etc. Au total, en cumulant tous les critères de conformité, seules 54 % des prescriptions étaient correctement libellées ! « Ce pourcentage est faible et surprenant pour des mentions légales normalement obligatoires », note la thésarde, qui relève toutefois des biais de sélection des pharmacies dans l'étude et un effectif analysé faible. Voilà néanmoins qui incite à réfléchir aux règles de prescription/délivrance particulièrement complexes de ces spécialités, d'autant que les logiciels médicaux semblent peu adaptés. Pour délivrer, « le pharmacien ne s’arrête pas à l’ordonnance et à son analyse réglementaire pour prendre la décision mais évalue la situation dans son ensemble », conclut Régine Kihm. On ne saurait mieux dire !