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L'automédication en panne

Selon une étude du cabinet Xerfi, le marché de l'automédication est fortement concurrencé par les produits « naturels » sans AMM.

© ADOBESTOCK/ESOXX

Le marché de l’automédication est en quasi-stagnation en France depuis plusieurs années selon une étude du cabinet Xerfi publiée en mai, analysant le marché de l’automédication à l’horizon 2022. Avec, souligne Xerfi, une tendance actuelle des laboratoires à se tourner plutôt vers les produits « naturels » d’aromathérapie et de nutrithérapie, délaissant l'OTC. 
Les chiffres comparant la vitalité de l’automédication en France par rapport à ses voisins européens attestent cette tendance : les ventes d’OTC en France ont progressé de seulement 1,7 % en 10 ans, pour atteindre 8 % du marché des médicaments de ville, alors qu’en Allemagne, ils ont augmenté de 12,6 %, et de 14,1 % en Italie, selon les données de l’Association européenne des producteurs de spécialités pharmaceutiques grand public (AESGP). 
Pour Xerfi, plusieurs freins structurels expliquent ce manque de dynamisme français : une culture de la « gratuité du médicament », un manque de volonté politique en faveur de l’automédication, une méfiance vis-à-vis des médicaments non remboursés et la concurrence grandissante des produits de médecine alternative, dont l’aromathérapie, les compléments alimentaires ou les références sous statut de dispositifs médicaux.

Un a priori 

Autre thermomètre, même diagnostic : le baromètre annuel de l’Association française de l'industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (Afipa), publié en février, montre que l’an dernier, pour la seconde année consécutive, le chiffre d’affaires (CA) de l'automédication a chuté de 4,6 % à 2,1 milliards d’euros (– 5,3 % en 2017), quand l’ensemble du « selfcare », lui – une catégorie qui regroupe l’OTC, certains dispositifs médicaux et les compléments alimentaires –, a baissé de 0,3 %, pour s'établir à 3,87 milliards d’euros de CA en 2018. 
Selon l’Afipa, il y a eu des freins conjoncturels, comme le fait que l’épidémie de grippe, en 2018, s’est déclarée tard (de quoi tempérer les ventes de produits vedettes comme l’Oscillococcinum). Et des freins structurels, comme cette idée française tenace selon laquelle le remboursement d’un médicament serait gage d’une meilleure efficacité. Selon Daphné Lecomte-Somaggio, déléguée générale de l’Afipa, « les pouvoirs publics ont manqué cruellement de volonté politique pour convaincre les Français des bienfaits de l'automédication. Contrairement à ce qui s’est fait dans d’autres pays qui ont travaillé sur des politiques de délistage pour promouvoir réellement l’automédication »
« Même si chaque laboratoire a ses spécificités et ses choix, il est vrai qu’actuellement le “selfcare” est tiré par les compléments alimentaires et les dispositifs médicaux », constate Daphné Lecomte-Somaggio, « ce qui correspond à une demande globale de la population de prendre soin de soi à travers des produits naturels ». Dans les rayons des officines en effet, on voit que les industriels ont su surfer sur la vague « naturelle » en faisant émerger de nouveaux produits hors autorisation de mise sur le marché (AMM). Comme Ipsen avec son complément alimentaire Smebiocta ou encore Genevrier avec ChondroDol.

Par Hélène Bry

7 Juin 2019

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