Toutes les pharmacies sont en ordre de bataille et à l’avant-poste pour garantir la permanence des soins en pleine épidémie du coronavirus. « Cette mission de service public est expressément précisée à l’article R.4235-8 du Code de la santé publique : les pharmaciens sont tenus de prêter leur concours aux actions entreprises par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé », souligne Olivier Debarge, maître de conférences en droit pharmaceutique à l’Université de Reims Champagne-Ardenne. De telles dispositions ont-elles pour effet de priver les salariés des officines du droit de retrait prévu dans le Code du travail ? « Clairement, non, répond Éric Rocheblave, avocat spécialisé en droit du travail à Montpellier, le droit de retrait concerne tous les salariés, sans exception, et peut être utilisé s’il existe un motif raisonnable de penser que la situation présente un danger grave et imminent. » Il s’agit d’un droit individuel qui appartient au salarié. Aucune sanction ou retenue sur salaire ne peut être appliquée du fait de l’exercice légitime du droit de retrait. « Toute la difficulté est donc de savoir si ce droit de retrait est exercé à bon escient ou s’il est abusif. Il faut que cela soit justifié », explique Thierry Vernay, avocat associé au cabinet Fidal à Annecy. La légitimité du droit de retrait va donc dépendre des spécificités de la situation de chaque salarié, telles que son degré d’exposition au risque de contamination et la gravité du risque en cas de contamination effective. Ce serait par exemple le cas si lors du pic d’épidémie du coronavirus, l’employeur n’adapte pas les conditions de travail ou si le salarié souffre d’une pathologie chronique le rendant particulièrement vulnérable.
La protection avant tout
« Dans vos entreprises, il faut tout axer sur les mesures de protection pour sécuriser au maximum vos équipes – distance entre le client et le comptoir, solutions hydroalcooliques et masques à disposition – afin d’affaiblir les éventuelles velléités de droit de retrait et maintenir la continuité du service pharmaceutique », conseille Thierry Vernay, « car il serait paradoxal et potentiellement dramatique de voir le corps médical et officinal abandonner le terrain ». Une vague de droit de retrait aurait effectivement des conséquences délétères. Le ministère du Travail semble d’ailleurs considérer qu’à partir du moment où l’employeur respecte les recommandations du gouvernement disponibles et actualisées sur la page d'informations du gouvernement sur le coronavirus, l’exercice du droit de retrait ne serait pas justifié. Cette position n’a cependant aucune portée normative. En cas de litige, « une seule personne peut apprécier le caractère légitime ou abusif du droit de retrait, c’est le juge », conclut Éric Rocheblave.