Fidèle à sa réputation, c’est avec un trait d’humour que François Hollande a immédiatement capté l’attention – et cueilli les rires – de son auditoire officinal : « Je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer autant de pharmaciens à la fois ! », a souri l’ancien président de la République. Mais c’est par un sujet grave qu’il a ouvert son intervention, qui se voulait « un regard sur la crise » lui permettant de livrer ses réflexions d’homme d’État sur cette pandémie inédite et sidérante, sans chercher à jouer les donneurs de leçons vis-à-vis de ses successeurs. François Hollande a évoqué une autre crise, effroyable, qu’il a prise de plein fouet à mi-mandat : les attaques terroristes de 2015. « Lorsqu’on affronte une crise terroriste, on doit agir tout de suite, très fort. Là, en revanche, ça a été très long, on parle d’une crise sanitaire de dix-huit mois, qui n’est pas encore finie… Au début, l’opinion ne voulait pas voir et on ne voulait pas non plus l’alarmer, ce qui est en soi un principe de précaution », analyse-t-il, comme en soutien aux gouvernants. L’apprentissage majeur à tirer de la Covid ? « Il y aura d’autres crises, nous devons les anticiper. » Comment ? Peut-être en se rendant compte que « notre système extrêmement centralisé et vertical n’est pas forcément le plus adapté pour gérer une crise sanitaire. […] Il y a nécessité de faire en sorte que notre État change à la fois dans ses pratiques et ses structures pour mieux informer et mieux concerter les acteurs. Car sur une crise longue comme celle-là, nous avons absolument besoin de créer de la confiance. » Et d’insister sur la crise de confiance qui s’est révélée de manière criante durant cette pandémie. Défiance, même, face aux vaccins, aux scientifiques et aux politiques qu’ils conseillent.
Un réseau de proximité fort
Face à cette défiance d’un pouvoir inaccessible, vertical, François Hollande voit dans « la proximité », notamment celle du réseau pharmaceutique et sa « capillarité », un refuge, un atoll de confiance. « Vous avez été des éléments très importants d’information, de réassurance et de soins. Beaucoup de gens sont venus dans les pharmacies, pas seulement pour prendre leurs médicaments mais pour avoir une discussion avec vous, [car] rien ne remplace le contact humain [et] la lutte contre l’isolement est une grande question politique », notamment pour les personnes âgées ou les familles monoparentales. « Soyez conscients que l’image de votre profession a changé. Vous avez fait des actes de soin, les vaccins, les tests. » Être convaincu de cette force est « la meilleure façon pour vous de pouvoir dialoguer avec les autorités », a résumé François Hollande face aux pharmaciens heureux d’être rassemblés pour la première fois depuis deux ans. « Vous devez faire valoir que, parfois, il n’y a pas d’autre moyen de se soigner que les pharmaciens. Et que vous êtes des professionnels de santé de haut niveau. »
Une leçon d’humilité
Sur « la performance de la France dans la crise », François Hollande s’est montré critique. « Elle est moyenne : nous avons une morbidité inférieure à bien des pays, notamment les États-Unis, mais supérieure à l’Allemagne. Nous sommes dans la moyenne, ce qui est déjà une déception pour nous car nous avions tous l’idée que notre système de santé était le meilleur du monde. C’est peut-être vrai… mais cette crise prouve qu’il y a des choses à améliorer. » Ses pistes ? Muscler le ministère de la Santé : « Vous, pharmaciens, avez besoin d’un ministère fort. » Et s’appuyer sur les sociétés savantes existantes – égratignant au passage le conseil scientifique Covid-19 d’Emmanuel Macron qui, pense-t-il, a pu être l’une des sources de la méfiance ambiante. L’ancien président a enfin eu des mots éloquents de soutien aux petites officines : « Nous sommes devant des pharmacies parfois en difficulté. Or, on perdrait beaucoup si le réseau que vous représentez s’affaiblissait. »