La substitution des médicaments biologiques par les pharmaciens n'est décidémment pas un long fleuve tranquille. Inscrite pour la première fois dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2014, elle n'avait jusqu'à présent jamais vu le jour, faute de texte d'application. Le manque de consensus scientifique ainsi que l'inquiétude manifestée par les associations de patients à l'époque avaient eu raison du gisement d'économies que cette substitution représente pour l'Assurance maladie, d'autant que tous les efforts s'étaient concentrés sur l'hôpital et l'initiation des traitements avec un médicament biosimilaire.
Première étape
Huit ans après son introduction dans la loi, la substitution des médicaments biologiques à l'officine va enfin pouvoir être mise en pratique : un arrêté paru au Journal officiel du 14 avril liste les deux premiers groupes de médicaments concernés, en application de la LFFS pour 2022. Si le Gemme, l'association regroupant 23 laboratoires œuvrant à la valorisation des spécialités génériques et biosimilaires, « se félicite » de cette étape franchie et appelle à « continuer sur cette dynamique avec l'ensemble des parties prenantes, au premier rang desquelles les patients, afin de lui donner progressivement une réelle ampleur », d'autres parties prenantes, justement, ne partagent pas cet enthousiasme.
Question de confiance
Dans un communiqué de presse diffusé le 14 avril, le think tank « Biosimilaires » déplore que la méthode de la concertation mise en place par le ministère de la Santé autour de cette question de la substitution officinale de ces spécialités n'ait pas été respectée au moment de décider des groupes de médicaments biosimilaires qui figureraient dans l'arrêté. En effet, si le pegfilgrastim (médicament de référence : Neulasta) figurait bien depuis le début dans les discussions réunissant les acteurs concernés (autorités de santé, patients et professionnels de santé), ce n'est pas le cas du filgrastim (médicament de référence : Neupogen) qui a été préféré à la somatropine, l'hormone de croissance que tout le monde attendait comme second groupe concerné.
Cette petite surprise n'est donc pas du goût du think tank qui demande de « la visibilité et de la prévisibilité », rappelant au passage que « les critères qui devaient être retenus pour établir cette liste devaient être publiés à l'automne dans un rapport de l'ANSM » et qu'en l'absence de cette publication, « aucune transparence n'est faite sur [les critères et les conditions de substitution], laissant place à l'arbitraire, alors que la confiance de toutes les parties prenantes était jusqu'ici acquise ». Concernant les biosimilaires du filgastrim et du pegfilgastrim, le groupe de réflexion met également en avant des taux de pénétration déjà importants sur le marché français (respectivement 95 % et 75 %), rendant l'intérêt de leur substitution à l'officine minime en regard des dépenses d'assurance maladie.
Deux conditions à l'officine
L'arrêté fixe deux conditions de substitution et d'information du prescripteur et du patient à l'occasion de la substitution à l'officine des spécialités applicables à l'ensemble des groupes listés. Le pharmacien doit ainsi procéder « à l'enregistrement du nom du médicament délivré par substitution et son numéro de lot par tous moyens adaptés » et informer le prescripteur et le patient de cette substitution.