Les investigations se poursuivent auprès de milliers d’officinaux impliqués. Si l’Ordre des pharmaciens n’a pas encore accès aux dossiers des mis en cause, ceux-ci peuvent néanmoins s’attendre à devoir aussi répondre de leurs actes devant les chambres de discipline régionales. Pour l’heure, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (Cnop) n’a pas reçu de réponse précise quant à ses demandes auprès des parquets et de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour accéder aux dossiers des pharmaciens mis en cause. Ils seraient 8 000 à avoir reçu des cadeaux des Laboratoires Urgo en échange de l’abandon de remises commerciales, selon une information dévoilée par France 3 dès janvier 2023. Mais la position de l’Ordre est limpide : « On condamne, bien évidemment. Il y a clairement une infraction à la loi anticadeaux », juge sa présidente, Carine Wolf-Thal. Et comme dans toute affaire impliquant un pharmacien, non seulement l’Ordre se réserve la possibilité de se porter partie civile, « lorsque l’on estime qu’il y a atteinte à la probité de la profession », mais l’affaire pourra également être instruite par la chambre de discipline ordinale régionale.
Indépendance
Outre une condamnation pénale, il pourra donc y avoir une condamnation ordinale. « Au cas par cas, en fonction des dossiers de chaque pharmacien mis en cause, le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens siègera en conseil de discipline et décidera d’entrer, ou pas, en condamnation, et le cas échéant du quantum de la sanction. » Sans présager de l’issue de cette affaire, Carine Wolf-Thal insiste sur le but premier de la loi anticadeaux, à savoir « préserver l’indépendance du pharmacien et qu’il ne soit pas aliéné par des pratiques commerciales au détriment de l’intérêt de la santé publique et du patient ».
En janvier 2023, le parquet de Dijon a condamné les Laboratoires Urgo à une amende de 1,125 million d’euros (dont 625 000 euros avec sursis) et confirmé les saisies pénales de plus de 5,4 millions d’euros. Selon la DGCCRF, ce sont plus de 55 millions d’euros de cadeaux qui ont été offerts à des pharmaciens sur l’ensemble du territoire national entre 2015 et 2021. Or, « tout comme le fait d’octroyer un avantage illégal, le fait de l’accepter est passible d’une sanction en application du dispositif anticadeaux : la sanction encourue est d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, et peut être assortie de peines complémentaires comme l’interdiction temporaire ou définitive d’exercer ou la confiscation du produit de l’infraction (cadeaux reçus) par exemple ».