En ce début 2023, les pharmaciens sont en colère. Pas contre la réforme des retraites qui leur est plutôt favorable, mais contre les nouvelles baisses de prix de l’ordre de 67 millions d’euros envisagées sur les médicaments dits « matures ». Une perspective qui a entraîné un boycott du comité de suivi des génériques prévu le 26 janvier par l’ensemble des acteurs de la chaîne pharmaceutique et poussé la Première ministre, Élisabeth Borne, à mettre en place une mission interministérielle sur la régulation du prix du médicament. Dans un contexte aggravé de pénuries et de ruptures, la FSPF plaide d’ailleurs pour la mise en place de tarifs européens pour limiter la concurrence de prix entre pays.
Revalorisations urgentes
Alors que l’augmentation du prix de vente moyen des officines se poursuit, entraînant un risque de chute de leur nombre sur l’ensemble du territoire faute de repreneurs, de plus en plus de pharmacies sont affichées à l’euro symbolique par des titulaires souhaitant prendre leur retraite et désespérés de ne trouver aucun candidat. Un tableau aux couleurs plutôt ternes que ne viennent pas raviver les premières données économiques de l’année puisque la marge a en effet reculé de 48 % entre janvier 2022 et janvier 2023. La FSPF ne voit dès lors d’autre solution pour sortir de l’ornière que de mettre sur la table de la future négociation de l’avenant économique, prévue pour la fin de l’année, de nouvelles revalorisations et l’introduction d’autres rémunérations.
« La rémunération
des titulaires ne fait
en réalité que retrouver
le niveau de 2012,
tout en étant inférieur
de 13 % à l’inflation. »
Le syndicat propose la création d’honoraires en contrepartie du renouvellement des prescriptions périmées de patients chroniques introduit par le projet de loi Rist, pour indemniser les dispensations protocolisées ainsi que les interventions pharmaceutiques qui, avec l’arrivée des ordonnances numériques, pourront enfin être formalisées et tracées. Mais ces mesures, même si elles étaient adoptées, ne sauraient venir en aide à un type particulier mais néanmoins croissant d’officines, celles confrontées à une désertification médicale qui se ressent aussi bien dans les territoires ruraux que dans les quartiers dits « sensibles » de nombreuses zones urbaines. Et c'est toujours dans le cadre de l’avenant conventionnel qui doit être discuté à l’automne que la FSPF propose la création d’honoraires spécifiques pour venir en aide à ces pharmacies isolées, en coordination avec le futur décret relatif aux territoires fragiles visant à définir les lieux où l’accès au médicament risque d’être remis en cause. De manière générale, et après deux années exceptionnelles liées aux activités Covid, les revenus de l’officine se dégradent à grande vitesse. Le danger que cela fait peser sur l’ensemble du réseau est potentialisé par l’effet conjugué d’une inflation record affectant la masse salariale et de difficultés croissantes à recruter qui achève de fragiliser tout l’édifice. Quant à la rémunération des titulaires, si elle a effectivement progressé en 2021 et 2022, « elle ne fait en réalité que retrouver le niveau de 2012, tout en étant inférieure de 13 % à l’inflation », corrige Philippe Besset, le président de la FSPF.
Quelques avancées
Le 21 février 2023, après plusieurs mois de bras de fer, un accord est finalement trouvé avec l’éco-organisme Dastri concernant la prise en charge des déchets liés aux activités de vaccination des officines, ainsi que ceux émanant des patients en autotraitement. Autre bonne nouvelle à la mi-mars : la publication de deux arrêtés qui élargissent encore le champ de compétences des pharmaciens en entérinant les protocoles autorisant la prise en charge de l’angine et de la cystite pour les officinaux partie prenant dans une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). Plaidant pour une dispensation protocolisée hors exercice coordonné, la FSPF se félicite de ce qui constitue pour elle « une avancée essentielle », tout en précisant qu’il ne doit s’agir que « d’une première étape ». Toutefois, plus d’un an après la signature de la convention entre les pharmaciens et l’Assurance maladie, de nombreux autres textes réglementaires manquent encore à l’appel, et notamment ceux qui doivent permettre aux officinaux de prescrire les vaccins. Ces derniers attendent également qu’on leur octroie l’autorisation de prescrire les produits du sevrage tabagique dans le cadre du futur plan Tabac. Fort heureusement, en mai, la proposition de loi Rist « portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé » est enfin adoptée par le Parlement et publiée au Journal officiel. Outre plusieurs dispositions octroyant davantage de latitude aux pharmaciens concernant le renouvellement des traitements chroniques et la réalisation des Trod, elle grave dans le marbre l’universitarisation du diplôme de préparateur. Là encore, la patience est de mise pour que ces dispositions deviennent effectives puisqu’elles devront être complétées par des textes réglementaires qui feront eux-mêmes l’objet de négociations avec les représentants de la profession, notamment concernant les modalités économiques qui seront débattues durant le processus conventionnel de la fin d’année.
Hausse de tension
L’été 2023 est marqué par le remplacement de François Braun par Aurélien Rousseau à la tête du ministère de la Santé. Mais également par de graves émeutes dans toute la France à la suite du décès en banlieue parisienne d’un adolescent, Nahel Merzouk, abattu par un policier pour un refus d’obtempérer. Comme d’autres commerces, de très nombreuses pharmacies sont prises pour cible, attaquées et vandalisées dans différents endroits du territoire. Un nouveau coup dur pour le réseau qui pâtit déjà d’un manque criant de personnel et d’une économie en dégradation, alors que se profile un projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 aux allures de cure d’amaigrissement, notamment pour les dépenses du médicament. C'est pourquoi la FSPF réaffirme, dès la rentrée, l'importance cruciale d'une revalorisation de la rémunération des actes et du coeur de métier des pharmaciens, la dispensation. Pour Fabrice Camaioni, vice-président de la FSPF, « à l’heure des pénuries de médicaments et des fermetures d’officines sur fond de désertification médicale, notre profession a besoin d’être plus que jamais soutenue. Pas d’être pénalisée. » Dès le mois de septembre, la FSPF envoie un courrier aux syndicats départementaux « pour les appeler à la mobilisation » et les inciter à « faire comprendre à tous les confrères que cette négociation ne se passera probablement pas sans heurts ».
« Notre profession
a plus que jamais
besoin d’être soutenue.
Pas d’être pénalisée. »
Le syndicat se place dès lors en position offensive et lance le hashtag #mobilisationpharmaciens afin de recueillir le ressenti, les avis et idées des officinaux sur le terrain. En coordination avec l’Uspo, les élus étudiants, les doyens des universités et les représentants des groupements, le syndicat annonce des actions, y compris physiques, en raison du retard de l’ouverture de la négociation de l’avenant économique à la convention. Le temps presse et l’objectif est de pouvoir entamer au plus vite les discussions afin de conclure des accords et d’obtenir les moyens financiers permettant la préservation du réseau officinal, estimés par les syndicats à 1 milliard d’euros. L’urgence est également de voir la réforme des études de pharmacie, indispensable à la redynamisation de l’attractivité de la profession, devenir réalité.
Coup d’envoi
En novembre, la coupe est pleine. Face à l’attentisme des pouvoirs publics, une journée d’action réunit, le 21 du mois, des milliers d’étudiants et de pharmaciens dans plusieurs villes universitaires de France. Dans la foulée, une pétition mise en place pour rallier les patients à la cause recueille rapidement plus de 30 000 signatures. Une mobilisation qui n’a pas tardé à porter ses fruits puisque, le 12 décembre, le ministre de la Santé fait parvenir au directeur de l’Assurance maladie une lettre d’orientation préalable à la négociation qui va enfin pouvoir démarrer. Une première réunion, le 19 décembre, permet de mettre en place un calendrier soutenu de réunions portant sur les différents volets économiques mis en discussion, bien que les deux parties constatent d’emblée un désaccord sur les chiffres servant de base aux débats. Un contretemps auquel vient s’ajouter la démission surprise d’Aurélien Rousseau, trois jours après cette première rencontre entre partenaires conventionnels. Agnès Firmin-Le Bodo, qui prend sa succession, ne restera finalement en poste que quelques jours, remplacée début janvier 2024 par Catherine Vautrin à l’issue d’un vaste remaniement ministériel. Les pharmaciens espèrent de leur côté que la nouvelle année sera placée sous des auspices plus favorables que l’exercice qui vient de s’écouler.