La FSPF a signé l’avenant économique et c’est une décision que vous avez soutenue. Pourquoi ?
L’évolution du métier de pharmacien se construit peu à peu. Et si l’on ne marque pas les étapes, si on ne prend pas les avancées quand elles sont là, on perd finalement du temps. Cela ne veut pas dire que ce que l’on signe règle tous les problèmes, évidemment. Mais compte tenu du contexte à la fois économique et politique du pays, nous ne pouvions pas espérer obtenir mieux de nos interlocuteurs. Pire, nous avions même un risque de perdre les avancées obtenues si nous mettions ne serait-ce que quarante-huit heures de plus à nous décider. J’ai donc pris mes responsabilités en m’engageant en faveur de cet avenant.
Des réactions d’incompréhension parfois violentes ont émergé sur les réseaux sociaux. Certains ont mis en doute le processus démocratique du vote. Comment s’est-il déroulé ?
Toutes les décisions importantes, telles qu’une convention puisqu’elle engage tous les pharmaciens, sont prises en assemblée générale. La Fédération est une démocratie représentative : les syndicats départementaux votent pour ou contre une résolution qui leur est proposée par le bureau national, ce dernier étant l'instance exécutive. Ils sont libres et autonomes, et ils donnent mandat à leur président pour faire entendre leurs voix. C’est ainsi qu’in fine, une centaine de confrères décident en représentant les autres. Dans les faits, 82 % des syndicats se sont exprimés en faveur de l’avenant, même si au sein de chaque unité départementale, le vote « pour » a parfois représenté 55 ou 60 % des votes. Certains confrères, qui auraient souhaité que nous poursuivions les négociations, n’ont pas compris le résultat. J’entends qu’on puisse interroger ce fonctionnement démocratique, mais c’est le nôtre actuellement. Néanmoins, je suis favorable à ce que l’on améliore encore la méthode, si possible dès le prochain avenant à voter.
En tant que président de la Fédération, quelle décision personnelle auriez-vous pris en cas de vote contre la signature de l’avenant ?
Il arrive que la position que je défends personnellement ne soit pas celle adoptée au cours de l’assemblée générale du conseil d‘administration. Cela a été le cas pour les salaires, par exemple. Or, l’AG est souveraine et mon rôle est d’appliquer ses décisions. Cependant, si elle s’était prononcée contre la signature de l’avenant, je n’aurais pas su quelle politique mener après la dissolution de l’Assemblée nationale ; j’aurais donc remis mon mandat et nous aurions évalué si un confrère se sentait en capacité de trouver une nouvelle voie. Dans la situation actuelle, je sais précisément le travail que j’ai à faire et le cap qui est fixé.
La FSPF est donc le seul syndicat signataire. Quelles sont les conséquences pour la profession ?
La profession gagne toujours à avancer unie. Le fait d’avoir un seul syndicat signataire est source d’insatisfaction et de polémiques. Cela pourrait aussi avoir des conséquences financières si, dans les départements Uspo, les confrères qui siègent en commission paritaire locale refusaient par exemple de travailler sur la mise en place des financements pour les officines dans les territoires fragiles. Je n’imagine pas que cela puisse arriver. Je me trompe peut-être, mais je pense que l’ensemble des sujets abordés par l’avenant sont, en réalité, assez consensuels.
L’Uspo, non signataire, appelle à ouvrir de nouvelles négociations pour un avenant n° 2 autour d’une Rosp biosimilaires. Y êtes-vous favorable ?
Les pharmaciens veulent avoir de la visibilité sur leur rémunération, être payés tout de suite. À choisir entre remise et Rosp, je préfère évidemment la remise. Cela dit, je n’ai rien contre la formule fromage et dessert ! Mais tant que nous n’avons pas les remises, je préfère me concentrer sur la parole qui a été donnée par l'État de traiter le sujet dans le PLFSS.
Alors que ce PLFSS, qui doit être présenté en septembre, va faire l’objet d’une navette parlementaire, comment la FSPF envisage-t-elle cette période instable politiquement ?
Je considère que la majorité assez éclatée que nous avons à l’Assemblée nationale renforce le pouvoir des techniciens qui sont dans les administrations. Nous allons continuer à dialoguer avec les services, la Direction de la Sécurité sociale, la Direction générale de la santé, la Direction générale de l’offre de soins, Bercy, avec qui nous travaillons en confiance depuis maintenant des années. Mais il nous faut dès à présent tisser des discussions nourries avec les députés : leur rôle sera clé parce que les groupes vont, à chaque texte, présenter des positions différentes. Les rallier à notre cause va être d’autant plus important qu’ils n’auront potentiellement pas les mêmes opinions que le gouvernement.
La FSPF a indiqué s’attendre à un PLFSS dur. Que craignez-vous ?
Le principe inscrit dans l’avenant est celui d’une augmentation régulière de la marge des officines de 2 %. Cela correspond à de bonnes et de mauvaises nouvelles économiques. Quand le gouvernement met en place le remboursement d’un nouveau médicament comme Beyfortus, cela apporte évidemment de la marge à la pharmacie. Quand il baisse le prix d’un médicament, un générique par exemple, ou d’un dispositif médical, cela en enlève. La résultante de ces ajustements doit demeurer positive. Sinon, en 2026, il faudra revoir les paramètres pour améliorer l’honoraire. C'est ainsi que cela va se dérouler. Néanmoins, il est plus simple que les baisses de prix n’existent pas : cela évite d’avoir à mettre en place des compensations a posteriori. Nous allons donc nous battre sur chaque décision, sur chaque action du gouvernement qui provoquerait une baisse de marge pour la pharmacie.
Vous avez évoqué un essoufflement du modèle conventionnel. Doit-il être modifié selon vous ?
Des réformes sont indispensables. D’abord sur le mode de représentation des professionnels. La représentation des syndicats pour négocier une convention découle d’un scrutin régional qui vise également à nommer des professionnels de santé pour être les interlocuteurs des ARS. Ce mélange des missions mène à des crispations inutiles. L’UNPS a une position très claire sur le sujet : avoir un mode de représentation qui soit celui que nous avons pour le versant droit social permettrait une enquête de représentativité claire et sans effusion de sang. Chacun apporte la preuve de son nombre d’adhérents et du nombre de salariés de chaque officine et c’est sur cette base que la Direction de la Sécurité sociale donne un poids à chaque syndicat. Au niveau du système conventionnel, tout n‘est pas non plus optimal. L’Assurance maladie a en réalité tous les pouvoirs, notamment celui de fixer le calendrier. Il faut rééquilibrer ce point. Enfin, nos négociations avec la Cnam sont prévues tous les cinq ans. À titre d’exemple, avec nos salariés, nous avons une négociation annuelle. Celle-ci aboutit ou non, mais au moins sa fréquence est adaptée. Il est clair que le rythme quinquennal ne l’est pas : sur ce laps de temps, il peut se passer tellement de choses ! Cela nous oblige à passer par l’ajout d’avenants. Nous avons à ce propos fait inscrire dans le texte la nécessité d’en ajouter un en 2026, 2027 étant trop loin. Ce rythme n’est pas compatible avec la bonne gestion de nos intérêts. Il faut changer le système.
Vous travaillez actuellement sur une réforme des modalités de garde. Où en est-on ?
Le pharmacien n’est pas là pour vendre n’importe quoi à tout moment de la nuit. C’est pourquoi nous militons pour que seuls les médicaments remboursables soient délivrés pendant les gardes. L’intérêt des patients est aussi de continuer à avoir des pharmaciens pour les accueillir durant la journée. Or, assurer des gardes entraîne des heures de récupération, c’est de plus en plus compliqué à organiser.
Quelles sont les priorités à venir pour la FSPF ?
Nous allons d’abord rester vigilants sur les actions du gouvernement : des difficultés sont prévisibles si certains programmes sont effectivement mis en place. Il faudra, comme à chaque fois, éviter des dommages potentiels dans la régulation du PLFSS. Mais nous allons particulièrement nous focaliser sur le bon déploiement de la convention : il faut que toutes les pharmacies parviennent à s’emparer des dispositifs conventionnels qui sont à leur bénéfice et à celui de leurs patients. Il est temps de faire une pause dans les nouvelles réformes. Nous nous recentrons sur la défense professionnelle et la stabilité, avec un suivi très attentif des conditions de mise en place de tout ce que nous avons obtenu durant les dernières années, mois et semaines.