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Des méthodes qui se réinventent

Va-t-on définitivement abandonner la valorisation par le chiffre d’affaires en 2023 ? Le militantisme pour celle en multiple de l’EBE n’a peut-être jamais été aussi fort qu’aujourd’hui. Tandis que d’autres méthodes s’invitent en pharmacie… 

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« Le pourcentage du CA HT n’est plus le bon étalon et a perdu beaucoup de pertinence avec les produits chers », résume Bastien Legrand, expert-comptable du cabinet FCC (réseau CGP). La problématique des produits chers, qui accroît les disparités de marge brute entre les pharmacies, rend particulièrement délicate l’approche par le chiffre d’affaires pour valoriser une officine. « Les approches par la rentabilité doivent plus que jamais s’affirmer », appuie Serge Gilodi, dirigeant de la société Serendipity Conseil.
Pour avoir une valorisation juste de ce que l’acquéreur achète, de nouvelles pratiques ont vu le jour avec la crise sanitaire, consistant à isoler le CA exceptionnel de la Covid-19 et à retraiter les éléments qui lui sont associés tels que les charges et frais de personnel (heures supplémentaires, CDD étudiant…). De la même façon, sont retraités dans la valorisation d’un fonds de pharmacie tout ou partie des ventes de médicaments chers ainsi que d’autres éléments volatils et non stables du CA tels que ceux issus des collectivités, des maisons de retraite ou de l’export. 

Valoriser au plus juste

L’évaluation d’un fonds n’est pas une science exacte et chaque valorisation est un cas d’espèce. Cependant, elle permet de donner au vendeur de solides ­arguments face aux acheteurs potentiels. Il est essentiel d’appréhender et de ­comprendre tous les facteurs qui se répercutent sur la valeur de l’entreprise. Chaque officine revêt des caractéristiques propres avec des écarts de prix parfois importants d’une affaire à l’autre, même à CA identiques. Les prix sont dépendants de la taille de l’officine, de sa rentabilité, de son secteur géographique/emplacement, de sa superficie, de la qualité de ses locaux, de ses clients et de son personnel, de ses potentialités de développement (attention, l’acquéreur ne doit pas surpayer un fonds que seules ses compétences de nouveau titulaire permettront de développer !), des références statistiques du marché, de l’offre et de la demande sur l’officine cible… Quoi qu’il en soit, le vrai prix d’une entreprise est celui que l’acheteur est prêt à payer !

Méthodes : jamais 2 sans 3 !

Plusieurs méthodes permettent de valoriser une entreprise et sont souvent croisées pour estimer la valeur d’un fonds. Dans ses études de valorisation, François Gillot, expert-­comptable du cabinet CAAG, conserve l’indicateur du CA HT, utilise l’excédent brut d’exploitation (EBE) ­coefficienté et une troisième méthode, tout aussi pertinente que la précédente, qui consiste à retenir la marge brute ­globale : (ventes + prestations) – achats consommés, en retraitant la marge liée à l’activité Covid, puis en appliquant un coefficient ­multiplicateur compris de façon générale entre 2,5 et 3. « Je fais ensuite une pondération de l’ensemble de ces trois méthodes pour appréhender une valorisation cohérente du fonds », précise-t-il.

La valeur n’est pas dans les comptes

Dans l’évaluation d’un fonds, la valeur de rendement devient de plus en plus ­déterminante selon Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet AdequA. En effet, au travers d’un fonds de ­commerce, les repreneurs achètent une capacité à créer de la rentabilité future. « C’est elle qui va permettre de rembourser les emprunts, payer les impôts, faire vivre le titulaire et minorer le risque de défaillance de l’entreprise », détaille-t-il.
Pour lui, l’analyse de l’entreprise à ­acquérir doit comporter deux volets. Le premier consiste en une approche financière des données du bilan, le second s’intéresse à l’environnement opérationnel de la pharmacie et a pour objectif de déterminer les points forts et points faibles de l’organisation, de l’environnement et des équipes. « Ce sont les valeurs immatérielles de l’officine, qui ne figurent pas dans les comptes, qu’il va falloir mettre en évidence lors des analyses puis valoriser », explique-t-il. Si les actifs immatériels (emplacement, stratégie d’offres, ressources humaines, gouvernance, notoriété…) sont solides, le prix demandé par le vendeur devient légitime. 

 

Qu’entend-on par EBE retraité ?

Dans les statistiques d’Interfimo sur les prix de cession des officines, l’EBE retraité s’entend avant rémunération et cotisations sociales des titulaires de manière à neutraliser les différences de comptabilité entre les ­régimes de l’impôt sur les revenus et celui sur les sociétés. Le montant de la rémunération et des charges sociales des pharma­ciens titulaires est donc ajouté à l’EBE comptable. Ainsi, la valeur des officines n’est pas impactée par la politique de rémunération des cédants.

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Par Camille Jourdan

16 Avril 2024

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