Le long feuilleton autour de la molécule indiquée dans l'alcoolodépendance vient de vivre un nouveau rebondissement.
Alors que le baclofène était accessible depuis 2014 uniquement sous le régime de la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) avec Liorésal 10 mg et Baclofène Zentiva 10 mg, l'inscription d'une nouvelle spécialité sur la liste des spécialités remboursables a changé la donne le 20 mai dernier. Ce Baclocur, indiqué dans la « réduction de la consommation d’alcool, en complément d’un suivi psychosocial, après échec des autres traitements, chez l’adulte », est commercialisé par les laboratoires Ethypharm sous 4 dosages (10, 20, 30 et 40 mg). D’après son résumé des caractéristiques du produit (RCP), il peut être prescrit par tout médecin, avec une augmentation progressive des doses pour atteindre la posologie optimale adaptée à chaque patient, dans la limite de 80 mg/jour.
Et c'est précisément sur la question de cette posologie maximale que les esprits s'échauffent, au point que deux associations (Collectif Baclohelp et Aubes) regroupant malades, proches de malades ainsi que des médecins pour la seconde ont déposé, fin mai, un recours contre l'autorisation de mise sur le marché (AMM) de Baclocur. Si elles sont tout à fait en accord avec la mise à disposition facilitée d'un traitement contre l'alcoolisme, ces associations estiment que la limitation à une dose maximale de 80 mg/jour de baclofène « porte atteinte au droit et à l'accès aux soins » et instaure une « rupture d'égalité en excluant de manière délibérée une catégorie de patients » bénéficiant dans le cadre de la RTU de posologies supérieures à 80 mg/jour et d’un remboursement. En effet, qui dit fin de la RTU dit fin des remboursements pour protocole de soin particulier. Et les patients ayant besoin de plus de 80 mg de baclofène chaque jour ne sont pas rares, selon les militants qui prennent la parole sur le sujet depuis plusieurs années déjà.
RTU, le retour
Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) a validé le recours le 17 juin 2020. Les juges des référés « ont estimé que le risque de rupture de traitement, tant en raison de la difficulté à se faire prescrire des dosages supérieurs à ceux prévus par l’autorisation de mise sur le marché, que des obstacles de délivrance de tels dosages en pharmacie au vu d’ordonnances qui les prescriraient, était avéré et portait une atteinte grave et immédiate à l’intérêt des patients ». Cette décision entraîne la suspension à titre conservatoire de l'AMM de cette spécialité et donc son retrait de commercialisation. Même si le dosage à 30 mg n’est pas concerné par la décision administrative (son dossier d'AMM avait été déposé isolément), le laboratoire a décidé de retirer également cette présentation de la vente « par souci de cohérence ».
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a annoncé saisir le Conseil d’État d’un pourvoi en cassation contre cette décision de suspension. En attendant, la RTU du baclofène est automatiquement remise en vigueur pour assurer aux patients sous traitement une continuité de soins.