Plusieurs mois sans bouger en attendant le printemps. Et pourtant, les ours en hibernation ne font guère de thromboses, alors qu’elles surviennent parfois lorsqu’ils sont actifs, comme l’ont révélé les autopsies analysées par des chercheurs allemands dans la revue Science du 13 avril 2023. Tandis que chez d’autres espèces hibernantes les plaquettes sont séquestrées dans les organes à l’abri du froid, elles continuent de circuler en quantité réduite (avec donc un risque potentiel de thrombose maintenu) chez ce plantigrade. De même, la machinerie thrombo-inflammatoire des ours étant comparable à celle des humains, les scientifiques ont effectué des prélèvements sanguins chez 13 spécimens en hibernation en Suède, puis chez les mêmes, bien réveillés, au printemps. Constat : la première phase de l’hémostase est modifiée durant l’hibernation. En temps normal, le vaisseau lésé se contracte et les plaquettes forment un « clou plaquettaire » colmatant la brèche. Mais lors de l’hibernation, les plaquettes, moins sensibles au collagène ou à la thrombine, s’agrègent moins.
Enquête moléculaire
Ce phénomène s’explique à l’échelle moléculaire : 151 des protéines exprimées par les plaquettes des ours ne le sont pas dans la même quantité en hiver et au printemps. Surtout HSP47, produite 55 fois moins en hibernation. En contexte physiologique, elle participe au déclenchement de la thromboi-nflammation en facilitant la liaison de la thrombine à la surface des plaquettes et l’activation des neutrophiles. Ainsi, chez les souris transgéniques n’exprimant plus HSP47, la formation de caillots est presque inhibée. Les auteurs ont montré que cette protéine est sous-exprimée aussi par les plaquettes des patients présentant une lésion médullaire. Chez eux comme chez l’ours léthargique, l’activation des neutrophiles par les plaquettes est diminuée. Idem chez les patients sains soumis à une immobilisation de 27 jours pour une simulation spatiale, ou chez des truies allaitantes immobiles 21 à 28 jours. Au niveau thérapeutique, « ce mécanisme physiologique de thromboprotection, qui nécessite un certain délai pour se mettre en place, pointe peut-être une nouvelle piste à explorer », espèrent les auteurs.
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