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Tout doit disparaître !

Au moment où le gouvernement décide un rapatriement général des produits Lactalis, les contrôles n'épargnent personne, ni la grande distribution ni les pharmacies.

En l'espace de deux jours, Bruno Le Maire aura tenu trois conférences de presse.© NICOLAS KOVARIK

 

« Plus une seule boîte ne doit être commercialisée. » Cette déclaration de Bruno Le Maire vendredi 12 janvier après-midi, à l'issue de son entretien avec la direction de Lactalis, sonne comme un épilogue. Le ministre de l’Économie et des Finances a en effet annoncé que « Lactalis reprendra tous les produits de lait infantile fabriqué sur le site de Craon (Mayenne), quelle que soit leur date de fabrication, dans tous les lieux de commercialisation, en particulier la grande distribution et les pharmacies ». Toutes ces boîtes ont ainsi « vocation à être retournées à Lactalis ». L'objectif affiché : « éviter les retards et les risques d'erreur humaine » en matière de rappels de produits. En effet, la liste des dysfonctionnements dans la gestion de cette crise des produits de nutrition infantile fabriqués par Lactalis et présentant un risque de contamination par des salmonelles paraît bien longue. 
Des dysfonctionnements que le ministre impute aux différents acteurs impliqués dans la chaîne de fabrication, de distribution et de commercialisation de ces laits et céréales dont les lots suspects auraient dû être intégralement retirés de la vente dès le 21 décembre dernier. « Auraient » car plusieurs enseignes de la grande distribution ont reconnu avoir continué à vendre des boîtes de ces produits. De plus, des contrôles de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont révélé que de nombreux autres distributeurs en France – officines, hôpitaux et crèches – n’avaient pas non plus satisfait à cette obligation de retrait. « Cette affaire est grave. Elle a donné lieu à des comportements inacceptables. » La dureté des mots employés par Bruno Le Maire, lors d'un précédent point presse organisé le 11 janvier, donne la tonalité. 

Un mauvais feuilleton

Le ministre de l’Économie en a profité ce jour-là pour préciser la chronologie des faits. Après un premier rappel par Lactalis de 12 lots le 2 décembre, les services sanitaires confirment, dès le 8 décembre, que les prélèvements effectués dans l’usine de Craon présentent une contamination par des salmonelles identiques à celles identifiées chez les nourrissons tombés malades. La direction de l’entreprise semble alors vouloir temporiser face aux injonctions de Bercy de procéder au rappel et au retrait de tous les produits incriminés. Dès le 9 décembre, le ministre, visiblement excédé, décide de prendre un arrêté ordonnant le retrait immédiat de plus de 600 lots. Sur ce point, le ministre de l’Économie ne prend pas de gants : « L’État s’est substitué à une entreprise défaillante. » 
Du 11 au 13 décembre, la DGCCRF vérifie les fichiers transmis par Lactalis et y relève des incohérences : cinq lots sont passés sous les radars de l’entreprise et ne figurent pas, à tort, sur la liste de ceux qui sont potentiellement contaminés. Le 21 décembre, Lactalis décide finalement de procéder au retrait de l'ensemble des produits fabriqués dans l’usine de Craon depuis le 15 février. Une enquête est ouverte et transmise au parquet de Paris. Ce n’est pourtant pas le dernier rebondissement de cette histoire.

Des pharmacies aussi

Le 9 janvier, le groupe É. Leclerc reconnaît que 984 produits incriminés ont été vendus dans certains de ses magasins après le 21 décembre. Vingt-quatre heures après les excuses de son patron, Michel-Édouard Leclerc, cinq autres poids lourds de la grande distribution, Auchan, Carrefour, Cora, Intermarché et Système U, révèlent à leur tour que des produits qui auraient dû être mis hors-circuit sont passés, sans encombre, par les caisses enregistreuses de certains de leurs magasins. 
Les 2 500 contrôles effectués par la DGCCRF « à tous les maillons de la chaîne de distribution » des produits concernés montrent, de leur côté, que 91 points de vente ou établissements continuaient d’en détenir, en infraction avec les directives officielles. Dans le détail, ce sont 30 grandes surfaces, 12 hôpitaux, 3 grossistes, 2 crèches… et 44 pharmacies d'officine auxquels les services de l’État ont dressé un procès-verbal qui a été transmis à la justice. L'incertitude règne pour le moment : les produits détenus par les pharmacies étaient-ils dans la surface de vente ou en back-office, attendant d'être renvoyés au fabricant ou au grossiste ? La différence est de taille.
À ce sujet, l’Ordre des pharmaciens rappelle que « s’il s’avérait que certains pharmaciens avaient continué à délivrer des produits incriminés par les rappels, des procédures disciplinaires seraient immédiatement engagées ». Il met d'ailleurs à la disposition de la profession une nouvelle affichette à apposer dans les officines, qu'elles référencent les produits Lactalis ou non. Bruno Le Maire précise quant à lui, à l'intention des  officines, que ses services restent à leur disposition. Mais il annonce que 2 500 contrôles supplémentaires seront effectués dès la semaine prochaine. Il a par ailleurs été décidé, avec les acteurs de la grande distribution, un contrôle systématique en caisse des produits concernés dans tous leurs points de vente. Enfin, le 12 janvier, il convient avec Lactalis de rappeler l'ensemble des produits fabriqués sur son site de Craon, « sans considération de date ». Une mise en quarantaine de la totalité des produits de la marque s'impose donc en officine, en attendant davantage de précisions des autorités sanitaires. 

Par Benoît Thelliez et Anne-Laure Mercier

11 Janvier 2018

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