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Autonomiser le paiement

Lorsqu’elles sont bien réfléchies, la numérisation et l’autonomisation du processus d’achat à l’officine sont des opportunités à saisir.

Par Claire Frangi

© adobestock_xavier_lorenzo

La fin de l’ère du bon vieux terminal de paiement (TPE) a-t-elle sonné ? Une chose est certaine : l’usage du digital dans les commerces gagne du terrain, notamment pour répondre aux nouvelles habitudes des consommateurs. Et certaines pharmacies s’y essaient à leur tour, pour la para­pharmacie et l’OTC, notamment via des bornes de paiement qui peuvent être sur pied, murales ou à poser au comptoir : le client scanne alors ses produits puis les encaisse lui-même. Lorsqu’une référence nécessite un conseil, certaines bornes, comme celles lancées par Pharmagest il y a trois mois, comportent un témoin lumineux qui s’active pour alerter un membre de l’équipe, mettant sur pause l’encaissement. Le processus offre ainsi au client une véritable autonomie tout en garantissant au pharmacien le respect des conditions idéales de délivrance. Ce nouveau dispositif est un succès selon Raynald Martino, directeur commercial et marketing de Pharmagest, qui dit en placer une par jour, y compris dans « des pharmacies de taille moyenne qui ne sont pas de gros points de vente ». Car, contrairement aux idées reçues, les grosses pharmacies à proximité des gares ou des aéroports ne sont pas les seules à adopter ce nouveau mode d’encaissement. 

Démarque inconnue

Le dispositif répond d’abord à un besoin de gain de temps du pharmacien : « Cinq à dix pour cent des ventes sont réalisés sur les bornes de paiement dans les pharmacies que nous avons équipées, c’est autant de temps de gagné pour l’équipe officinale », avance Raynald Martino. Mais ce service améliore aussi l’attractivité de la pharmacie auprès de la clientèle jeune et pressée, qui trouve son compte dans ce qui se révèle un moyen de mieux gérer la file d’attente. « Il n’y a aucune valeur ajoutée à l’encaissement pur de parapharmacie, confirme Dalila Boukhalfa, responsable marketing et communication de BD Rowa France, qui a pour le moment mis en pause la commercialisation de ses bornes de paiement, mais les bornes permettent au pharmacien de dégager du temps pour des actions à plus forte valeur ajoutée. » Et, à l’instar de Pharma­gest et BD Rowa, d’autres acteurs s’emparent eux aussi de ce créneau du paiement autonome. Un bémol toutefois : « La problématique du vol n’est pas négligeable à partir du moment où l’on fait confiance à l’utilisateur », estime Hélène Decourteix, fondatrice de la société de conseil La Pharmacie Digitale. Pour parer à cette éventualité, « les bornes peuvent être installées perpendiculairement au comptoir, ce qui permet de garder un œil dessus », conseille Raynald Martino. Par ailleurs, elles sont équipées d’une caméra avec effet miroir, ce qui peut être dissuasif. Le pharmacien a aussi la possibilité de déclencher des contrôles aléatoires à tout moment. ­Raynald Martino relativise : « Un client qui ne souhaite vraiment pas payer ne se dirigera pas vers les bornes, il ira directement vers la sortie après avoir mis les produits dans son sac ou sous son manteau. » 

Des casiers comme Amazon 

Autre possibilité d’encaissement à distance du comptoir : la vente en mobilité, inspirée des Apple Store. Elle est réalisée directement sur une tablette, reliée en Wi-Fi au logiciel de caisse. Un membre de l’équipe officinale la pilote et circule dans l’espace de vente vers les clients venus chercher un produit bien spécifique et désireux de repartir vite. Un outil particulièrement utile les jours de forte affluence. Mais « dans la pratique, cela ne concernera pas toutes les officines. Certaines sont ­tellement exigües qu’il n’y pas la place pour quelqu’un qui se déplacerait ainsi », nuance Hélène Decourteix. Cependant, « en installant ces outils, le pharmacien donne une image moderne de son officine, qui va attirer du monde parce que c’est novateur », explique Morgan Charlet, responsable marketing chez Meditech. Son entreprise propose, elle, une borne à installer sur rue. La MT. Matic, reliée au robot de l’officine, sert aux achats en libre-service et au retrait des commandes Click & Collect. Pour les ­pharmacies qui n’auraient pas l’espace suffisant pour un robot, Meditech a imaginé des casiers de retrait, connectés au logiciel de caisse de l’officine. Prenant peu de place, ils se remplissent à la main et peuvent être placés aussi bien à l’extérieur de la pharmacie qu’à l’intérieur. Ils sont particulièrement utiles pour des produits volumineux, comme les couches ou le lait infantile, mais aussi les retraits de commandes. Dans le même esprit, BD Rowa a développé des bornes de retrait « Pickup » encastrées dans la vitrine de l’officine. Reliées au robot, elles ont vocation à répondre à la gestion des promis. « Avec l’augmentation des ruptures de stock, le pharmacien doit gérer de plus en plus de promis. Le conseil ayant déjà été réalisé en amont au comptoir, il n’y a aucune valeur ajoutée à remettre un promis, et c’est jusqu’à une heure de temps gagné par jour pour le pharmacien », avance Dalila Boukhalfa. Ce qui n’empêche pas ce dernier de réitérer son conseil en le glissant par écrit dans la commande à récupérer. À la Pharmacie du Port à Ouistreham (Calvados), ce sont environ 60 % des promis qui sont retirés sur la borne. « Le jour où le patient se présente avec son ordonnance, nous lui remettons un ticket avec un QR code, à scanner à la borne quand il reviendra chercher son produit. Même les anciens ont compris, ce n’est pas une question de génération, confie Arnaud Foucu, le titulaire. Nos clients sont satisfaits de pouvoir gérer eux-mêmes. Et nous gagnons de la place puisque tous nos promis sont rangés dans le robot. » 

Pierre à l’édifice

« Attention, avertit toutefois Hélène Decourteix, les nouvelles formes de paiement, autonome comme en mobilité, éliminent d’emblée les pharmacies qui n’ont pas cherché à développer tout ce qui est hors monopole, et ne conviennent pas à tout le monde. En outre, les intégrer à ce qui existe déjà peut se révéler acrobatique. Il ne s’agit pas d’une brique technologique en plus qu’on rajoute dans son officine. Ces outils ont du sens à condition d’être pensés dans une logique de parcours et d’expérience client, ou à l’occasion d’un projet de réagencement, afin de cohabiter avec l’encaissement au comptoir », indique la consultante. Effectivement, il reste primordial que le pharmacien les fasse connaître à ses patients, insiste à son tour Morgan Charlet. Voire fasse preuve de pédagogie, comme en témoigne Arnaud Foucu : « Nous devons souvent accompagner les patients jusqu’à la borne pour leur montrer comment ­procéder le jour où leur promis sera prêt. Mais une fois qu’ils ont compris, ce sont eux qui, au comptoir, lors de leur passage avec l’ordonnance, nous disent : “N’oubliez pas notre ticket pour la borne dehors !” » 

Exit la carte bleue

S’il est une tendance qui s’accélère depuis la crise de la Covid-19, c’est celle du paiement sans contact avec un téléphone portable. En Chine, la totalité des paiements se réalisent ainsi. ­Plusieurs ­start-up existent sur ce marché des applications d’encaissement qui viennent court-circuiter l’usage du terminal de paiement (TPE). C’est le cas de Satispay, qui cherche à s’implanter dans tout type de commerces. Ciblant plus spécifiquement les professionnels de santé, My Healthy leur propose, de son côté, une fois qu’ils se sont enregistrés sur l’application, de faire régler le patient via un QR code à flasher. Ce type de paiement est plus sécurisé qu’un paiement sans contact sur un TPE puisqu’il est validé par le patient sur son application bancaire. Pour le professionnel de santé, le dispositif remplace les chèques car il permet de proposer à ses patients des paiements différés ou en plusieurs fois. Et « si le pharmacien décide d’affecter une caisse à la parapharmacie, il n’aura pas besoin d’ajouter de TPE, ce qui représentera une économie, notre solution étant jusqu’à 30 % moins chère », glisse Jérôme Villeminot, fondateur de My Healthy. La révolution du paiement est en marche !

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