De l’avis des pharmaciens impliqués, le modèle coopératif n’a pas pris une ride. « Cette idée, née au XIXe siècle, reste d’une modernité formidable », assure André-Paul Bahuon, expert-comptable et président du conseil de surveillance d’Interfimo. Société de financement créée en 1969 par les syndicats des professions libérales pour leurs membres, la coopérative est devenue filiale de LCL, lui-même désormais filiale du Crédit Agricole, mais reste placée sous l’égide de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL). « C’est une banque qui est actionnaire principal, mais ce sont surtout 55 professions libérales actionnaires d’Interfimo qui sont à la tête du conseil de surveillance. Celui-ci est constitué de 20 membres dont 16 sont des professionnels libéraux comme des pharmaciens et 4 viennent de la banque. Donc le directoire, avec son président Olivier Mercier, met en œuvre la stratégie décidée par les professionnels libéraux. »
Tête pensante
Une organisation qui se retrouve dans toutes les coopératives. Chez Welcoop, le conseil de surveillance est constitué exclusivement de pharmaciens coopérateurs. « Il nomme le directoire, c’est-à-dire le top management des équipes opérationnelles », explique Jean-Pierre Dosdat, président du conseil de surveillance de La Coopérative Welcoop. « Dans une coopérative, la tête pensante, ce sont les pharmaciens », complète Valérie Kieffer, présidente nationale de Giphar, qui y voit un modèle démocratique idéal pour défendre l’indépendance de la profession. « La coopérative doit être vécue comme un facilitateur du métier de pharmacien », ajoute-t-elle, en citant pour l’exemple le statut de grossiste-répartiteur de Giphar qui « couvre 90 % des besoins de mon officine et évite tout surstockage. »
Valorisation de l’officine
Pour sa part, Giropharm se concentre sur les services. « C’est pour cette raison que j’ai rejoint le groupe il y a plus de 20 ans, affirme son PDG, Luc Priouzeau. Les adhérents retrouvent tous les bénéfices de la coopérative soit sous forme de services, soit en excédent de gestion. » Un fonctionnement qui n’est pas propre au groupement, selon Jean-Pierre Dry, président de la Fédération du commerce coopératif et associé (FCA) : « En général, une coopérative fait très peu de profits car elle redistribue tout à ses adhérents. »
À la différence de Giphar et Giropharm, dont le cœur de métier est le groupement de pharmaciens, Welcoop est d’abord une société de services, construite autour d’une activité de grossiste-répartiteur dont elle a fait le choix de se séparer il y a 20 ans pour développer d’autres filiales. « Une décision stratégique qui a été prise par les pharmaciens sociétaires », relève le président de la FSPF, Philippe Besset. Jean-Pierre Dosdat confirme : « Nous comptons 4 000 pharmaciens sociétaires, mais au travers de nos filiales, nous nous adressons à environ 15 000 pharmacies et peut-être 20 000 professionnels de santé. » Welcoop possède en effet Equasens (informatique), Cristers (génériqueur), D Medica (MAD), Objectif Pharma (groupement), Marque Verte (dispositifs médicaux et parapharmacie), Pharm’Access (transactions et conseils), etc.
Un modèle séduisant. Mais qu’en est-il lorsqu’un sociétaire veut rendre ses parts, à l’occasion par exemple d’un départ à la retraite ? « La pharmacie est sociétaire, donc si les parts sont vendues à un nouveau titulaire, celui-ci peut choisir de rester chez Giropharm ; sinon, on rembourse les parts sociales, soit 120 euros », explique Luc Priouzeau. Même discours chez Welcoop : « Nous rendons la part coopérative qui est de 900 euros ; celle-ci ne change pas contrairement au dividende coopératif qui rémunère le sociétaire. » Pour le PDG de Giropharm, « cela montre bien que les groupements coopératifs travaillent pour la valorisation du fonds commercial de l’officine, et non pour la valorisation propre du groupement ».
« Coopéracteurs »
Les sociétaires sont-ils conscients qu’ils détiennent la coopérative et prennent les décisions stratégiques ? Cela ne fait aucun doute pour Valérie Kieffer puisqu’ils participent activement à la coopérative Giphar, tout comme pour Luc Priouzeau, qui considère les actionnaires comme des « coopéracteurs » : « Ils doivent prendre part à la vie de la société ; cela exige un investissement en temps et en hommes. » Jean-Pierre Dosdat fait la même analyse tout en reconnaissant que le modèle coopératif semble mal connu des non-coopérateurs. « Néanmoins, environ 15 000 pharmaciens sont sociétaires d’une ou plusieurs coopératives, soit plus de la moitié des titulaires. »