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Des solutions éthiques

Après la financiarisation de la biologie médicale qui frappe désormais à la porte de secteurs comme la radiologie ou l’ophtalmologie, la profession s’interroge sur les solutions dont dispose le pharmacien pour y échapper.

Pour les experts du financement, l’officine peut trouver des réponses à l’ensemble de ses besoins sans mettre en péril son indépendance.DR

« Qu’est-ce que c’est que cette histoire de fonds de pension qui rachètent des pharmacies ? », s’interroge le président de la FSPF, Philippe Besset. La réponse, fournie par Olivier Mercier, président du directoire d’Interfimo, n’a rien d’évident. Il n’est effectivement pas possible que le capital d’une pharmacie soit détenu par un non-­professionnel. En revanche « des fonds de pension ou des family offices sont entrés dans des groupements en souscrivant des actions ; or ces groupements prêtent de l’argent à des pharmacies. La ferme­ture du capital aux non-­professionnels est ainsi contournée. » Autrement dit, traduit ­Philippe Besset, « c’est par la dette que des revenus de l’officine peuvent remonter vers des fonds de pension sans que le titulaire puisse s’y ­opposer, parce qu’un pacte ­d’associés lui retire le pouvoir de décision d’attribution des ressources ».

Booster d’apport

Pourtant, d’autres solutions existent quand un besoin de financement apparaît, que ce soit au moment de la transmission d’une officine ou bien pour l’organisation et l’innovation dans l’entreprise. C’est le cas du booster d’apport, une solution développée par des groupements, des grossistes-répartiteurs, la CAVP ou Interfimo. « Depuis trois ans, nous proposons le Giroboost, un prêt in fine qui peut aller jusqu’à 500 000 euros. Son intérêt est d’être quasiment du fond propre – il n’entre donc pas dans l’endettement de la pharmacie –, d’améliorer la capacité d’emprunt et de financer sous forme d’obligations non convertibles, donc jamais le groupement ne pourra entrer au capital de la pharmacie, décrit Luc Priouzeau, PDG de Giropharm. Giroboost a ainsi contribué à l’installation d’une vingtaine de pharmacies l’an dernier. »
La Coopérative Welcoop propose une solution différente, baptisée Welcoop Génération, « parce qu’elle s’adresse aux besoins de la première installation au départ à la retraite », indique Jean-Pierre Dosdat, président du conseil de surveillance. « Donc tout au long de la vie professionnelle, confirme Dominique Pautrat, président du directoire. Que le pharmacien veuille acheter, vendre, racheter, créer une SEL ou monter une maison de santé pluri­professionnelle, nous avons balisé toutes ces étapes et nous nous en occupons. »

Projets hybrides

Au Crédit Agricole, coopérative composée de 39 banques régionales appartenant à leurs 11 millions de sociétaires, une nouvelle entité est née en 2023 : Crédit Agricole Santé & Territoires. « Parce que nous ­voulons être acteur, configurateur et façonnier de solutions pour améliorer l’accès aux soins et le bien vieillir dans les territoires », explique Pierre Guillocheau, directeur général de la jeune filiale. Outre les ­solutions de financement classiques pour accompagner les installations, transmissions et regroupements, grâce à « différents types de prêts, des ­boosters ou des cautionnements, parfois en nous associant à d’autres acteurs comme la CAVP, les Cerp ou l’OCP », la filiale Santé & Territoires permet de répondre à des ­projets hybrides (téléconsultation assistée, Ehpad, MSP…) bien souvent mis en place par des pharmaciens. « C’est une approche ­servicielle et tout-en-un pour conforter l’activité et l’ancrage des officines dans les territoires », ajoute Pierre Guillocheau.

Serpent de mer

Les besoins de financement de la phar­macie semblent donc couverts sans qu’il faille passer par la financiarisation. De fait, les experts confirment un recours très minoritaire à des solutions moins ­vertueuses. « Il ne faut pas noircir le tableau, on peut se faire peur mais nous ne sommes pas dans la situation des laboratoires de biologie médicale », note Pierre Guillocheau. Néanmoins, Olivier Mercier reste vigilant : « La solution réside dans les financements classiques tant que les prix ne s’envolent pas et que le capital des pharmacies n’est pas ouvert. » Une prudence partagée par Dominique Pautrat : « Des législateurs montent des groupes de travail et Bercy interroge la Fédération du commerce ­coopératif et associé (FCA) pour connaître son positionnement sur l’ouverture du capital. Le sujet est un serpent de mer, mais on commence à voir le monstre ! » 

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