Plus besoin d’être gros pour s’offrir un robot. La dizaine de constructeurs du secteur, que nous avons interrogés sur leurs toutes dernières nouveautés, ont bien compris cette soif de démocratisation du côté des pharmaciens, prêts à casser leur tirelire – mais pas trop ! – pour optimiser leur façon de travailler et leurs gains, mieux gérer leur stock, gagner du temps de présence au comptoir et éventuellement de la place. D’autant que, mécaniquement, une fois les plus grosses pharmacies équipées, ce sont les petites et moyennes qui deviennent le nouveau territoire à conquérir pour les fabricants.
Petits mais costauds
Et les nouvelles offres se bousculent. BD Rowa lance, pour 54 900 euros, son Smart 120 dont l’argument massue est d’être facile à caser puisqu’il ne mesure que 1,20 m de large. Sarah Chelba, qui a racheté la pharmacie de la place de Lévis à Paris (XVIIe), est la première équipée de ce modèle en France : « Pour une officine à 1 million d’euros de chiffre d’affaires (CA), acheter un robot autour de 100 000 euros n’aurait pas été raisonnable, mais là, j’ai sauté le pas », explique celle-ci, qui a pris un leasing sur sept ans. « Avant de m’installer, j’ai travaillé dans des pharmacies avec ou sans robot et il n’y a pas photo ! Il absorbe la partie la plus rébarbative de notre travail : aller sans arrêt derrière chercher une boîte, perché sur un escabeau. D’autant que les patients sont de plus en plus impatients : dès qu’il faut attendre, beaucoup s’en vont. Le robot fait vraiment gagner du temps et on reste au comptoir tandis que les médicaments tombent derrière nous », confie-t-elle en tapant une ordonnance, actionnant quasi instantanément, en back-office, l’habile pince qui s’empare de la bonne boîte sur la bonne étagère dans un vrombissement futuriste.
Même ordre de prix pour la plus petite version du nouveau robot, lui aussi standardisé, d’Omnicell, le RDX Essential, qui présente une largeur fixe d’1,61 m mais peut être décliné en 7 longueurs et 3 hauteurs. « On est en train de voir comment on pourrait le rétrécir d’encore 20 cm, donc 2,30 m de haut, car les officines françaises sont souvent basses de plafond », glissent Jean-Pierre Petiot et Luc Hoffmann, respectivement directeur commercial retail et marketing manager d’Omnicell. Nouvelle offre en vue aussi chez Gollmann, qui ne résiste pas à évoquer son nouveau bébé attendu pour Pharmagora 2020 : la série compacte et haut de gamme GO.édition, à partir de 75 500 euros, « équipée d’un module capable de charger 100 boîtes en six minutes », explique Marius Bueb, directeur commercial France-Belgique. La société Meditech a, quant à elle, développé en 2019 une version moins haute (2,36 m) de son MT.XS qui équipe déjà 57 officines, à partir de 60 000 euros. Enfin, l’Italien Label Pharma commence à vendre en France son Medistore Brilliant (1,69 m de large) à partir de 60-70 000 euros…
Les automates ne sont pas en reste et défendent aussi leur place. Le Belge TecnyFarma lance ainsi en France son Super Speed Light +, petit automate rapide à tapis, à partir de 33 000 euros. Et les deux poids lourds du secteur, Mékapharm et Pharmax, proposent aux petites pharmacies des solutions dès 45-50 000 euros.
Attention à la maintenance
« Pour une petite pharmacie, choisir un robot ou un automate dépend des objectifs et des contraintes de chaque officine : si je veux privilégier le contact avec le client, opter pour un robot a du sens, notamment si j’ai un seul salarié et des plages horaires seul avec mon robot. Mais si ma priorité est d’être rapide et de servir davantage d’ordonnances simultanément, l’automate est plus adapté et coûte beaucoup moins cher en maintenance », plaide Stéphane Nizard, président de la société Pharmax. La question de la maintenance est en effet cruciale et doit être étudiée en amont. Car avec un robot en leasing sur cinq ou sept ans, il faudra souvent compter dans les 500 euros par mois pour l’amortir, auxquels il convient d’ajouter entre 300 et 500 euros par mois pour sa maintenance (plutôt autour de 150 euros pour un automate). « Historiquement, robots et automates valaient très cher et étaient réservés à des grosses pharmacies à 2 ou 3 millions de CA. Aujourd’hui, on assiste à une réelle démocratisation, avec une telle concurrence que les machines sont toutes très performantes. D’autant que le bond technologique effectué ces dernières années est considérable. La différence se fait plutôt sur la maintenance, la possibilité de pouvoir joindre les gens un dimanche…, analyse Serge Arzoumanian, directeur de l’inventoriste Stock 12. Mais il faut bien réfléchir avant de sauter le pas car à moins de 1,5 million de CA, économiquement, partir sur un robot, ce n’est pas impossible mais c’est tendu. »
Et « il est vrai, ajoute Stéphane Nizard de Pharmax, qu’une grosse pharmacie avec un gros débit amortira plus vite son robot. Mais à l’heure où les petites officines ont tendance à fermer, parier sur un robot ou un automate semble un bon choix stratégique pour, justement, résister ». « Aujourd’hui, les pharmaciens sont un peu chahutés sur leurs marges, alors l’un des éléments qui peut leur permettre de faire des économies, c’est la robotisation », argumentent Jean-Pierre Petiot et Luc Hoffmann d’Omnicell. « L’idée est de gagner sur la partie back-office en supprimant les colonnes-tiroirs et en dégageant de la place en front-office pour la parapharmacie, très rentable. » Sarah Chelba, dans le XVIIe, a gagné 20 mètres carrés en supprimant les 12 colonnes-tiroirs du propriétaire précédent. Elle en a profité pour installer un petit local pour vacciner. « Un robot fait aussi gagner en sécurité et gestion du stock : pas de possibilité d’erreurs de dosages quand les boîtes sont quasi identiques puisque les codes Datamatrix sont scannés », conclut-elle, tout en questionnant le robot sur les boîtes qui vont se périmer en premier pour les écouler en priorité. « Et la nuit, souvent, je le laisse allumé pour qu’il optimise le rangement des boîtes pendant que, moi, je dors. »