On peut très bien vivre sans appendice. De fait, lorsque cette étrange structure suspendue à l’entrée du gros intestin s’enflamme, le traitement est l’ablation, vu le risque d’évolution défavorable d’une appendicite compliquée aiguë, potentiellement mortelle. Une approche conservatrice est étudiée, avec antibiothérapie en cas d’appendicite non compliquée, avec certes une efficacité élevée mais pas moins de 40 % de récidive.
Sanctuaire bactérien
Le fait qu’on puisse s’en passer ne prouve en rien l’inutilité de ce petit bout d’organe qui intrigue les chercheurs. Comme Michel Laurin, directeur de recherches CNRS au Museum national d’histoire naturelle (MNHN) et l’immunologiste Éric Ogier-Denis de l’Inserm, qui co-signent en août 2021 dans Journal of Anatomy une étude scrutant 258 espèces de mammifères dont 39 avec et 219 sans appendice. Leur thèse : comparé à un animal du même poids sans appendice, un mammifère qui en est doté – orang-outan, koala, castor, ornithorynque, homme – jouit d’une meilleure longévité. La raison ? L’appendice constituerait, par sa forme, un « sanctuaire bactérien », faisant baisser la mortalité par diarrhées infectieuses mortelles en permettant une recolonisation rapide. Il augmenterait par ailleurs la barrière immunitaire. « Dans de nombreux cas, l’appendice abrite une forte densité de tissu lymphoïde associé à l’intestin. Il pourrait être le siège d’une éducation immunitaire qui optimiserait la réponse contre les agents pathogènes, conduisant à une mortalité plus faible due aux maladies infectieuses », écrivent les auteurs. Ce sont d’ailleurs des travaux sur les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) qui les ont mis sur la voie, en constatant que l’appendicite abaissait le risque de survenue de rectocolite hémorragique. Les auteurs insistent : le fait d’enlever l’appendice après une appendicite ne diminue pas la longévité. Avoir eu cette inflammation au jeune âge pourrait même être bénéfique. « Si une fonction principale de l’appendice est l’optimisation de l’exposition antigénique via le tissu lymphoïde, il peut être un excellent activateur de la fonction immunitaire, et comme l’appendicectomie survient après cette inflammation intense, elle devrait être sans conséquence. »
