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Philippe Besset - Président de la FSPF

« Revaloriser, protéger et simplifier »

À quelques jours des élections aux URPS, le président de la FSPF, Philippe Besset, détaille les grandes lignes du programme du syndicat pour les cinq années à venir.

Par Christophe MicasPhotographe Nicolas Kovarik

© Nicolas Kovarik

BioExpress

Pharmacien titulaire à Limoux (Aude), Philippe Besset a pris la tête
de la FSPF il y a deux ans. Il inscrit son mandat dans une volonté de poursuivre les évolutions de la profession et de réactiver le syndicalisme de proximité.

  • Depuis mars 2019 : président
    de la FSPF.
  • De 2016 à 2019 : président 
    de la société Résopharma.
  • À partir de 2007 : membre 
    du bureau national de la FSPF.
  • 2002 : président 
    du syndicat des pharmaciens 
    de l’Aude.
  • Depuis 1994 : titulaire 
    d’une officine à Limoux
    (Aude).
  • 1993 : diplômé d’État 
    de la faculté de Toulouse.
  • 1987 : vice-président 
    de l’Association nationale 
    des étudiants en pharmacie 
    de France (Anepf).

Quelles sont les priorités de votre programme national ?
J’ai envie de vous répondre que ce sont les priorités des pharmaciens. Pour construire notre programme, et afin de mieux répondre aux attentes des confrères, nous avons lancé une Grande consultation nationale qui a duré quatre semaines. Près de 6 300 y ont participé. Nous avons finement analysé leurs réponses afin d’enrichir nos propositions pour revaloriser, protéger et simplifier l’exercice officinal.
Plus généralement, nous sommes pour un pharmacien professionnel de santé dont le rôle principal de dispensateur du médicament est reconnu à sa juste valeur. Un pharmacien qui puisse s’investir dans les nouvelles missions d’accompagnement des patients mais aussi de prévention et d’éducation à la santé. Toute­fois, ce n’est pas en augmentant le portefeuille des nouvelles missions que nous améliorerons la rémunération de l’ensemble des pharmaciens mais seulement de ceux qui peuvent les faire. Il nous semble donc avant tout essentiel de les simplifier. Comment ? En exigeant, dans toutes nos négociations avec l’Assurance maladie, que l’enregistrement des actes que nous réalisons ne nécessite pas de double saisie. Tout doit se faire à partir de nos logiciels métier. Plus largement, nous refuserons de nous engager dans de nouveaux dispositifs complexes et coûteux pour les pharmaciens, telle la sérialisation des médicaments comme elle est actuellement conçue et qui est, de plus, parfaitement inutile pour lutter contre la contrefaçon. Mais notre priorité absolue sera de nous battre pour une revalorisation de nos honoraires de dispensation.

Pourquoi estimez-vous urgent de revaloriser les honoraires de dispensation ?
Ces élections surviennent dans un contexte particulier. À la crise sanitaire, s’ajoute une baisse de nos ressources. L’avenant n° 11 censé améliorer notre rémunération, est un trompe-l’œil. Contrairement à ce que l’on peut entendre ici ou là, cet avenant n’a pas rapporté 41 261 euros de marge par officine en moyenne entre 2017 et 2020. Il a, au mieux, évité de les perdre. Je le répète, les chiffres présentés par Iqvia sont bidon. La société a d’ailleurs reconnu qu’elle avait fait des erreurs. Tous les paramètres de l’observatoire de suivi de la rémunération ne sont pas pris en compte, seulement les plus favorables. Surtout, ils s’appuient sur une hausse des ventes de 240 millions de conditionnements entre 2019 et 2020. Or, c’est faux et archifaux ! Pour arriver à ce chiffre, Iqvia a intégré la délivrance des masques de protection valorisée à hauteur de 1 euro l’unité, alors que nous les avons distribués gra­tui­tement. La réalité est que la situation économique des pharmacies s’est dégradée par rapport à 2016, année de référence inscrite dans l’avenant n° 11. Nos ressources sont d’ores et déjà inférieures de 1 % par rapport à celles de 2016, seuil de déclenchement de nouvelles discussions avec l’Assurance maladie. Et l’année 2021 ne permettra pas de redresser la barre compte tenu du déremboursement de l’homéopathie et des baisses de prix prévues dans la loi de fi­nan­cement de la Sécurité sociale. Par conséquent, nous demandons dès maintenant l’ouverture de négociations pour revaloriser nos honoraires de dispensation. La vérité, c’est qu’il y a urgence.

Concrètement, quelles mesures économiques proposez-vous ?
Nos ressources sont à la baisse depuis 5 ans. Et dans le même temps, nos charges ont progressé de 60 millions d’euros chaque année. Afin d’inverser la tendance, nous proposons de doubler le montant des honoraires de dispensation à l’ordonnance (HDR) et de le porter à 1 euro HT, ce qui permettrait d’apporter au réseau 300 millions d’euros par an. Nous proposons également d’augmenter les honoraires pour la dispensation des ordonnances de 5 lignes et plus (HC) à 1 euro comme prévu initialement avant la signature de l’avenant n° 19 par l’Uspo qui les abaisse à 30 centimes. Cela représenterait un gain de 60 millions d’euros par an. Pour compenser la baisse de la Rosp générique, nous demandons une revalorisation de 10 % des honoraires par conditionnement de médicaments (HD) et des grands modèles (HG) en cas de dispensation d’une spécialité générique ou d’un médicament ayant aligné son prix, ce qui rapporterait 100 millions d’euros par an. Enfin, nous plaidons pour une hausse de 1 000 euros par mois de la Rosp « Qualité de service » pour toutes les pharmacies en contrepartie de leur action en matière de santé publique. Celle-ci deviendrait la Rosp « Pharmacie de premier recours ». Au total, nos mesures apporteraient 710 millions d’euros au réseau chaque année. C’est le montant nécessaire pour assurer sa pérennité. Si rien n’est fait, le rythme des fermetures d’officine va s’accélérer et de nombreux Français pourraient voir disparaître leur pharmacie de proximité. La France perdra alors une arme indispensable de réponse aux crises sanitaires.

Vous restez farouchement opposé à l’avenant n° 19 que vous avez même attaqué devant le Conseil d’État ?
C’est pour nous l’avenant de la honte. Pour la première fois dans l’histoire des professions médicales, un syndicat a accepté sans sourciller une baisse de rémunération. Pour moi, il s’agit d’une trahison de la profession. Nous avons décidé de ne pas laisser faire et avons, en effet, engagé il y a quelques mois une procédure pour contester l’avenant n° 19 qui ramène le montant de l’honoraire complexe (HC) à 0,31 euro alors qu’il devait passer à 1,02 euro au 1er janvier 2020 ! L’avenant ayant été publié au Journal officiel du 4 février 2020, le Conseil d’État a répondu favorablement à notre demande de report de cette baisse de la rémunération à cette date. Pendant un mois, les pharmaciens avaient enregistré, à tort, une perte de revenus ! Concrètement, la décision rendue par le Conseil d’État oblige l’Assurance maladie à verser à chaque officine la différence de 0,71 euro par HC facturé entre le 1er janvier et le 4 février 2020 inclus. Revaloriser l’exercice officinal, c’est aussi ­combattre les mesures scélérates qui font perdre de l’argent aux pharmaciens !

« Notre priorité absolue
sera de nous battre
pour une revalorisation
de nos honoraires
de dispensation. »

Quelles nouvelles orientations proposez-vous ?
Au-delà de la revalorisation de la rémunération, nous souhaitons mettre l’accent sur la préservation du maillage en transformant la Rosp « Qualité de service » en Rosp « Pharmacie de premier recours », comme je l’indiquais précédemment. Nous demandons également une période d’observation de deux ans pendant laquelle les transferts seront interdits quand le nombre d’habitants d’une ville aura atteint un palier, naturellement ou lors de la création de nouvelles communes.
Nous souhaitons également mettre l’accent sur la prévention en créant des entretiens spécifiques à 25, 45 et 65 ans. Dans ce cadre, nous souhaitons obtenir l’autorisation de pratiquer les rappels de vaccins, mais aussi être autorisés à vacciner contre la grippe l’ensemble de la population. Il faut aussi permettre à toutes les officines de s’engager dans les entretiens pharmaceutiques. C’est pourquoi nous entendons les simplifier. Nous proposons également que les préparateurs puissent prendre en charge certaines missions. Nous agirons aussi pour que la dispensation à domicile des médicaments et la PDA soient rémunérées, que les pharmacies deviennent la porte d’entrée du parcours de soin pour les médicaments de prescription médicale facultative, ou encore pour que les pharmaciens reprennent le marché des dispositifs médicaux et du maintien à domicile en lien avec les infirmiers et les médecins. Bien entendu, nous continuerons à nous battre pour préserver le monopole de dispensation, la propriété du capital aux seuls pharmaciens et la loi de répartition des officines sur le terri­toire. La préservation de ces trois piliers de notre exercice est non négociable.

Que répondez-vous à ceux qui disent que votre accord avec l’UNPF pour ces élections représente un risque d’ouverture du capital des pharmacies ?
Que les URPS n’ont pas ce pouvoir ! Mais surtout, que la FSPF y est farouchement opposée et que les dirigeants actuels de l’UNPF n’y sont pas favorables. Quoi qu’il en soit, l’objet de ces élections est d’élire nos représentants au sein des assemblées générales des URPS et de déterminer la représentativité des syndicats au niveau départemental, régional et national. Il s’agit notamment de fixer le nombre de sièges revenant à chacune des organisations dans les commissions paritaires locales et à la commission paritaire nationale. Dans ces élections, l’UNPF ne concourt pas pour obtenir la représentativité qu’elle a perdue il y a cinq ans. C’est un pas vers l’unité de la profession que je défends depuis mon élection à la présidence de la Fédération, un espoir pour l’avenir éclairé par l’histoire car FSPF et UNPF travaillaient déjà après-guerre dans l’« Union Fédérale ». Je l’ai déjà dit, la préservation des piliers de l’officine est, et restera, notre combat principal. Je me méfierais plutôt d’un syndicat qui signe systématiquement depuis cinq ans, sans broncher, ce que souhaitent nous imposer l’État et l’Assurance maladie !

La FSPF est-elle une organisation vieillissante, comme certains le laissent penser ?
Nous n’avons pas de leçon de modernité à recevoir ! Prenons la composition de nos listes, par exemple. Sur 17 régions, huit femmes conduiront les listes présentées par la FSPF. Si nos candidats sont élus, il y aura autant de femmes que d’hommes à la tête d’une URPS. La FSPF a été créée en 1878. Nous sommes l’organisation de la profession qui a toujours su être à l’avant-garde des évolutions du métier. Puisqu’il est question d’histoire : la création d’outils pour la pratique du tiers payant pour tous les pharmaciens, c’est nous ! La substitution générique, c’est nous ! Les honoraires, c’est nous ! La réforme des études, c’est nous ! La vaccination à l’officine, c’est encore nous ! Et à l’époque, mon prédécesseur, Philippe Gaertner, était bien seul à défendre cette évolution de la profession. À l’inverse, la dispensation adaptée représente-t-elle un progrès ? Non, c’est une usine à gaz de plus dont on ne sait pas combien elle rapportera ou coûtera aux pharmaciens. Nous, nous plaidons pour la mise en place d’une véritable intervention pharmaceutique, reconnue et rémunérée. Être historique, ne veux pas dire être archaïque. À la Fédération, nous sommes résolument tournés vers l’avenir.

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