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Les statines bientôt has been

Le LDL-cholestérol n’a qu’à bien se tenir : se préparent à débarquer en Europe les inhibiteurs de PCSK9, traitements biotechnologiques de luxe.

Par Anne-Laure Mercier

Praluent a été lancé outre-Atlantique au prix de 14 560 dollars par an environ.

Les prescriptions de statines n’ont pas encore eu le temps de ralentir que débarquent les « anti-PCSK9 ». Retenez bien le nom de cette classe thérapeutique qui devrait rapporter des milliards à l’industrie pharmaceutique ces prochaines années. PCSK9 est une protéine impliquée dans la régulation du taux de LDL-cholestérol et que sauraient désormais inhiber deux anticorps monoclonaux : Repatha (évolocumab) et Praluent (alirocumab).

Le petit truc en plus

Après avoir obtenu le feu vert des autorités américaines, Amgen, d’une part, et Sanofi et Regeneron, d’autre part, ont décroché une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne centralisée pour leurs nouveaux-nés respectifs, Repatha le 21 juillet et Praluent le 28 septembre. Une nouvelle classe de médicaments prêts à décrocher le titre de blockbusters qu’on croyait disparu. Ils sont en effet indiqués dans le traitement de l’hypercholestérolémie primaire ou d’une dyslipidémie mixte, en association avec un régime alimentaire. Et devront être administrés avec une statine associée ou non avec un autre hypolipémiant chez les patients ne pouvant faire baisser leur taux de LDL-cholestérol à la dose maximale tolérée de statine. Les anti-PCSK9 peuvent aussi être prescrits en monothérapie ou en association avec un autre hypolipémiant chez les patients qui ne tolèrent pas les statines ou pour qui elles sont contre-indiquées. Lorsque l’on sait que les statines sont déjà prescrites bien au-delà de leurs indications (lire notre enquête « Les statines en roue libre », Le Pharmacien de France, no 1246, janvier 2013) et en ces temps où le taux de LDL-cholestérol, qui n’est pourtant pas une maladie en soi, est agité comme un épouvantail, les débordements en matière de prescription d’anti-PCSK9 peuvent déjà être craints. D’autant que les industriels mettent le paquet côté marketing. Au congrès de l’European Society of Cardiology, qui s’est tenu à Londres début septembre, on pouvait voir par exemple, selon une photo publiée par Medscape.fr, une large banderole de Sanofi et Regeneron déployée au-dessus des têtes des congressistes et assénant : « Le LDL-cholestérol mal contrôlé continue de menacer des millions de vies. » Cela tombe bien, le couple d’industriels présentait à cette occasion des résultats cliniques « montrant que l’ajout de Praluent à un traitement standard [incluant des statines à la dose maximale tolérée avec ou sans autres hypolipémiants que l’ézétimibe, NDLR] a permis de réduire le taux de cholestérol LDL de 56 % en moyenne comparativement au traitement standard seul », des résultats comparables au Repatha. Et cette baisse était maintenue pendant les 78 semaines du traitement. Ce n’est que le début. Les auteurs de l’article publié dans la revue European Heart Journal parallèlement au congrès, à propos de ces mêmes résultats – les essais Odyssey FH I et FH II –, concluaient eux-mêmes : ces études « démontrent que les inhibiteurs de PCSK9 en complément des statines pourraient pour la première fois permettre à de nombreux patients avec une hypercholestérolémie familiale hétérozygote [qui toucherait selon ces auteurs 1 personne sur 200 à 500, NDLR] d’atteindre les taux de LDL-C recommandés dans la population générale à risque de maladie cardio-vasculaire. Toutefois, étant donné la nature chronique de la maladie, d’autres études de plus longue durée sont conseillées ». Ces études – attendues pour 2018 – permettraient également de mesurer la tolérance au long cours de ces traitements censés être pris à vie et de connaître l’effet de Praluent comme de Repatha sur la mortalité et la morbidité cardio-vasculaires, encore indéterminé… Bref, de border un tant soi peu le boulevard qui s’ouvre devant ces bébés de la biotech.

Poule aux œufs d’or

Tous deux sont en effet promis à un chiffre d’affaires annuel de 2 milliards de dollars d’ici à 2020 s’ils obtenaient une extension d’AMM en intégrant des données de morbi-mortalité. Des chiffres tels que le deuxième gestionnaire américain de régimes d’assurance-santé, CVS Health, s’est fendu d’un billet dans The Journal of the American Medical Association (JAMA), s’inquiétant du coût de ces médicaments : « S’ils sont largement prescrits, les inhibiteurs de PCSK9 pourraient devenir la classe thérapeutique la plus chère que nous ayons jamais vue jusqu’ici. » CVS Health est allé jusqu’à refuser de rembourser Praluent au moment de sa commercialisation, débarqué juste avant Repatha aux États-Unis, en attendant de les mettre en compétition tarifaire. Express Scripts Holding, le numéro un, prendra en charge les deux traitements en contrepartie de baisses de prix qu’il a pour l’instant refusé de préciser. Repatha et Praluent ont été lancés à un prix dépassant les 14 000 dollars par an. On les annonce pour moitié moins en Europe. Le cholestérol est une mine !  

un troisième rival

Après Amgen et Sanofi avec Regeneron, Pfizer pourrait entrer dans l’arène des « anti-PCSK9 ». Le laboratoire a en effet dans ses cartons le bococizumab – actuellement en phase III –, pour lequel il n’a encore déposé aucun dossier auprès de l’agence du médicament américaine, la Food and Drug Administration. La molécule devrait arriver sur le marché dans un an ou deux. Lui rapportera-t-elle autant que le Lipitor, statine star au brevet désormais échu ? Selon les analystes, aucun biosimilaire ne devrait en tout cas voir le jour avant dix à quinze ans. Et les industriels espèrent engranger le maximum de bénéfices entre-temps. De leur côté, les médecins céderont-ils à la tentation de la nouveauté et au marketing des laboratoires ?

NOTABENE

Repatha étant « susceptible d’avoir un impact significatif sur les dépenses de l’Assurance maladie », la Haute Autorité de santé procédera à son évaluation médico-économique.


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