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Philippe Besset

Président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France

© ANH LENOIR

Une promesse sans lendemain

Emmanuel Macron l’avait promis dans son programme pour l’élection présidentielle. Les députés l’ont fait… Dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, des parlementaires de la majorité avaient déposé un amendement prévoyant la dispensation à l’unité de tous les ­médicaments, sans concertation ni des pharmaciens ni des industriels. Cerise sur le gâteau, ils envisageaient une mise en place de la mesure d’ici au 1er janvier 2022. 
Certes, cette mesure peut présenter, dans des cas d’exception, un intérêt pour la protection de l’environnement comme de la santé publique. Les pharmaciens dispensent d’ailleurs déjà à l’unité les stupéfiants ou certains psychoanaleptiques. Mais généraliser cette mesure à tous les traitements serait une folie. Cela bouleverserait totalement le système actuel de mise à disposition des médicaments. C’est comme si l’État décidait tout à coup de nous faire rouler à gauche ! Je n’ai rien contre le fait de rouler à gauche mais on comprend bien qu’il faut alors changer toutes les voitures et toute la signalisation… le même jour. Ainsi, à l’officine, la dispensation à l’unité de tous les médicaments ne pourrait se faire sans une modification importante de nos outils de travail et notamment une mise en conformité de nos préparatoires. J’ai eu la curiosité de chiffrer pour mon officine l’investissement nécessaire pour un back-office à l’américaine : 200 000 euros ! Sans compter les embauches nécessaires et la réorganisation de l’équipe. Quel gâchis ce serait d’engager un tel investissement.
Finalement, les parlementaires ont accepté d’écouter nos arguments. Ils n’ont pas ­voulu supprimer cette disposition comme nous le souhaitions mais ils ont néanmoins décidé de limiter la dispensation à l’unité à certains traitements, comme les antibiotiques critiques. Ils nous ont écoutés mais pas complètement entendus. Car dans le texte qu’ils ont voté, il manque le volet économique. Aucune rémunération du ­pharmacien n’est prévue ! Or, il faut bien avoir en tête qu’aucun confrère ne pourra s’engager dans la dispensation à l’unité, même si elle concerne peu de médicaments, sans ­contrepartie financière. Depuis des années, nous réclamons une rémunération spécifique pour l’acte de fractionnement des stupéfiants. L’adoption de ce texte par les députés est l’occasion de rouvrir ce dossier. Sans prise en compte de cet aspect essentiel, la dispensation à l’unité ne restera qu’une promesse de campagne sans lendemain.

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