J’écris cet éditorial entre les deux tours de cette élection présidentielle pas comme les autres. Impossible de dire aujourd’hui à qui il est destiné : Marine Le Pen ou Emmanuel Macron ? Le suspense démocratique est à son comble. Mais quelle que soit la personne qui sera élue à la magistrature suprême, je voulais lui délivrer quelques messages simples car il se trouvera toujours un conseiller, un élu ou un lobbyiste pour relayer de vieux clichés sur la profession de pharmacien.
Nous serions nantis, favorisés, protégés par le « système » et notre monopole, etc. Si la profession a connu un âge d’or, comme le disent certains, nous sommes en 2017, et celui-ci est bel et bien révolu à cause de la spirale des baisses de prix qui entraîne la rémunération de la profession vers le bas depuis des années. Ensuite, je veux le rappeler ici : l’officine est un secteur économique qui emploie 120 000 salariés et favorise historiquement l’apprentissage. Les trois piliers qui structurent notre profession – la répartition démo-géographique, le capital de nos officines réservé aux pharmaciens en exercice et le monopole de délivrance des médicaments – ne sont pas des privilèges mais des garanties pour les patients. Notamment celle de toujours trouver une officine ouverte à proximité de leur lieu de vie ou de travail, tenue par un professionnel de santé responsable et capable de résister aux sirènes de la rentabilité. Assurer le meilleur conseil et la meilleure délivrance possible aux millions de Français qui franchissent chaque jour la porte de nos entreprises a un prix : celui de la confiance que le futur gouvernement aura en nous et des investissements qu’il fera à l’égard de la profession.
« Gardez-vous des faux amis et des idées reçues sur les pharmaciens. »
Au futur président, je dis donc : gardez-vous des faux amis et des idées reçues, et faites confiance à une profession qui tient son rang depuis des dizaines d’années sur tout le territoire français, sans exception. Dernier mot, mais il a son importance, à propos de la dispensation à l’unité, puisque les programmes des deux candidats présents au second tour proposent cette mesure : j’invite le futur ministre de la Santé à bien peser le pour et le contre. Les sondages nous indiquent, certes, que les Français soutiennent cette possibilité, mais le feraient-ils encore s’ils savaient que dispenser à l’unité impliquerait de devoir déposer l’ordonnance à l’officine pour la récupérer deux à trois heures plus tard, une fois toutes les vérifications effectuées dans le respect de la sécurité sanitaire ? Rien n’est moins sûr.