Depuis l’Antiquité, elle a tué 200 millions de personnes. Le traumatisme en Occident fut tel qu’il imprègne encore notre vocabulaire, que l’on qualifie des personnes (« une peste », « un pestiféré »), des odeurs (pestilentielles) ou un dilemme infernal (« Choisir entre la peste et le choléra »). « En France, après la peste des chiffonniers à Paris en 1920, on trouve un dernier cas en Corse en 1945 », relate Florent Sebbane, responsable du laboratoire Peste et Yersinia pestis de l’Inserm.
Madagascar, RDC et… États-Unis !
« On ne sait pas vraiment pourquoi la peste a disparu d’Europe, c’est la grande question », analyse le bactériologiste. D’ailleurs, disparaît-elle pour resurgir lors d’épidémies, ou est-elle toujours là, tapie dans les réservoirs animaux ? Reste que la peste est encore une réalité chez l’homme, avec des centaines de cas déclarés par an. Surtout à Madagascar (133 cas et 5 décès en 2018 selon l’OMS), en République démocratique du Congo (104 cas et 34 décès), sans oublier des poussées en Algérie en 2003 et 2008, en Lybie en 2009 et au Kirghizistan en 2013. « Même dans des pays riches comme l’Amérique, la peste est présente », affirme le scientifique, qui pointe les lieux de proximité entre l’homme et la nature sauvage. Car « la peste touche avant tout les rongeurs, rats, campagnols, écureuils, marmottes et chiens de prairie qu’elle décime en Amérique. L’humain est un maillon accidentel de la chaîne. » Mais ce maillon, « en l’absence de traitement, meurt à 100 % de la forme pulmonaire et de 40 à 60 % de la bubonique. Avec antibiotique, les chiffres descendent de 8 à 25 et de 5 à 10 %. » L’équipe de Florent Sebbane, avec la Duke University (États-Unis), est sur le point de soumettre ses travaux sur un nouvel antibiotique, inhibiteur de la structure des membranes bactériennes, « qui fonctionne sur les formes multirésistantes ». Bonne nouvelle, car lorsqu’on demande au chercheur si la peste pourrait revenir en France, il glisse que « si les puces de nos chiens et chats ne sont pas de bons vecteurs, celles de rongeurs, dont la puce du rat Nosopsyllus fasciatus, conjuguées avec des conditions d’humidité élevée et de chaleur, pourraient s’avérer favorables ».
Intox !