N°1369
Avril 2025

Un joker dans son jeu

Les agences spécialisées peuvent faciliter le recrutement d’adjoints et de préparateurs. Autrefois marginal, l’intérim complète utilement les contrats classiques.

Le-Pharmacien-de-France
© adobestock_Panya_Studio
par Benoît Thelliez et Alexandra Chopard
Le 15 avril 2025

Petites annonces transmises via les bacs du grossiste, affiches dans les facs, posts sérieux ou jouant la carte de l’humour pour vanter, sur LinkedIn ou Facebook, photos, voire vidéos à l’appui, les mérites de l’exercice officinal local : à chaque époque ses moyens privilégiés pour que candidats et employeurs puissent entrer en relation. Mais malgré la multiplication des canaux de communication, trouver la bonne personne – ou simplement une personne disponible – n’est pas moins complexe en 2025 qu’auparavant. Le recours aux services d’agences spécialisées dans l’emploi officinal demeure une solution pertinente.

Pénurie de diplômes

Les difficultés que rencontrent les titulaires pour étoffer leurs équipes s’expliquent avant tout par la pénurie de diplômés : « Aujourd’hui, il y a davantage de projets de recrutement que de candidats disponibles, constate Mathieu Mouysset, cofondateur avec son frère Lucas de Medijob (proposant CDI, CDD et intérim). En 2022, on recensait environ 10 000 postes vacants pour 20 000 pharmacies : une officine sur deux avait besoin de renfort. » Et les choses ne sont pas près de s’améliorer sur le front du recrutement en raison du manque d’attractivité et de lisibilité de l’accès aux études de pharmacie, et de la méconnaissance de la formation de préparateur.

Conditions favorables

Toujours selon l’analyse du cofondateur de Medijob, les candidats à un emploi stable sont particulièrement sensibles à trois critères : « l’ambiance de l’équipe et du quartier, l’emploi du temps proposé et la rémunération ». La durée du trajet domicile-travail devient également un facteur clé, « dans la limite idéale de 20 à 25 minutes, même en Île-de-France ». L’expert observe également une tendance marquée non seulement chez les jeunes diplômés mais aussi chez des pharmaciens plus expérimentés : « Ils aspirent à davantage de flexibilité et à une rémunération plus attractive. » Ces attentes rendent un autre type d’exercice très attirant à leurs yeux : l’intérim.

Intérim valorisé

L’agence 24/7 Services en a fait sa spécialité (remplacements uniquement) : « Avant, devenir remplaçant était plutôt un choix de carrière par défaut : il se disait qu’il s’agissait de collègues qui ne trouvaient pas de travail ailleurs, se souvient Marjorie Puthot, sa fondatrice, elle-même pharmacienne. Maintenant c’est complètement différent : c’est devenu un métier à part entière, reconnu. Ce n’est plus la dernière roue du carrosse. » Autre évolution dont tout le monde n’a pas pris la mesure : les deux populations choisissant pour l’une des postes stables et pour l’autre l’intérim ne sont pas des entités totalement distinctes. En effet, les candidats se proposant pour remplir des missions temporaires ont bien souvent un job fixe en officine. Selon Jean-Luc Sicnasi, fondateur et président de 3S Santé (intérim et recrutement en CDD et CDI), « ne pas avoir toujours le même patron et mieux contrôler son emploi du temps et ses vacances notamment » figurent au nombre des motivations des intérimaires. Pour la cofondatrice de 24/7 Services, c’est aussi que « certains ont envie de casser la monotonie de leur poste, vivre des missions plus « challengeantes ». Pour d’autres, c’est une question financière : très attachés à leur officine qui ne peut pas leur accorder une augmentation, ils font des remplacements pour financer des projets personnels. »

Nouvelle approche

Car, outre la pénurie de candidats, le nerf de la guerre est bien celui des moyens financiers du côté des employés comme des employeurs. « Ne pouvant embaucher à temps complet, de plus en plus de pharmaciens fonctionnent en véritables chefs d’entreprise : ils vont adapter la présence de l’équipe en fonction de l’activité de la pharmacie et non pas l’inverse », indique la directrice de 24/7 Services. Réaliser des plannings dans le détail est non seulement plus rentable mais permet également d’apporter de la flexibilité : « Au lieu de recruter une personne en poste fixe, ils choisiront un remplaçant régulier pour certaines dates spécifiques. » L’intérim permet par exemple de prendre un remplaçant « durant quatre heures pour pouvoir être présent en famille à un événement et passer du temps de qualité en étant serein ». Et un titulaire peut aussi choisir de mettre quelqu’un au comptoir à sa place « pendant que lui-même s’occupe de l’administratif, pour ne pas rapporter de dossiers à traiter le week-end à son domicile ». Faire le choix de l’intérim, c’est « une vraie évolution ». Et les emplois d’adjoints comme de préparateurs sont concernés, avec de plus en plus de demandes pour ces derniers. Au point que chez Medijob, ils représentent plus de 60 % des sollicitations : « Ce profil devient de plus en plus rare, notamment les préparateurs très qualifiés », indique le spécialiste du recrutement. Les difficultés à pourvoir certains postes en CDI s’expliquent notamment, selon lui, parce qu’un préparateur sur trois opte pour l’intérim. Les besoins en employés compétents en parapharmacie ou en logistique vont également croissant.

Multicompétences

Dans la jungle du recrutement, les agences ont une belle épingle à tirer du jeu. « Bien sûr, un titulaire peut recruter lui-même. Mais cela prend du temps, beaucoup de temps, objective Marjorie Puthot. Identifier les bons profils demande rigueur et exigence. Nous ne recrutons pas juste un diplôme. » Le candidat idéal doit être « capable d’être opérationnel dans la minute de son arrivée à l’officine ». Le savoir-être est également essentiel, « pour se fondre dans l’équipe, sans arriver avec ses gros sabots ni en se faisant tout petit et en se cachant derrière le comptoir ». L’ouverture d’esprit est aussi indispensable, « pour prendre en main l’officine en respectant les règles avec rondeur ». Comme le résume la fondatrice de 24/7 Services, « il faut avoir l’intelligence de respecter la déontologie tout en s’adaptant aux différentes pratiques des officines ».

Suivi soigneux

Les remplaçants doivent maintenir un niveau de compétence professionnelle élevé, c’est pourquoi l’agence leur permet de se former à l’utilisation des différents LGO comme aux nouvelles missions. Les cabinets facilitent même le versant administratif : « Nous éditons les bulletins de salaire, payons directement l’intérimaire et nous acquittons de toutes les charges dues, explique Jean-Luc Sicnasi. Le client, lui, ne nous paye que le nombre d’heures effectuées et rien d’autre. » Devant la complexité croissante du recrutement, ces interlocuteurs deviennent de plus en plus indispensables à l’écosystème officinal.

Intérimaire... en CDI

Créé en 2013, le contrat de travail à durée indéterminée intérimaire (CDII) permet à un salarié de signer un contrat avec une agence d’intérim qui précise le temps de travail, le type de missions, le périmètre géographique, etc. La différence avec un contrat d’intérim classique réside dans le fait qu’entre deux missions, le salarié touche une rémunération minimale garantie qui ne peut pas être inférieure au Smic pour les ouvriers et employés et jusqu’à 125 % du Smic pour les cadres. Il peut également remplir des missions de 36 mois maximum contre 18 mois dans le régime classique. Il est cependant tenu d’accepter toutes les missions correspondant à son contrat de travail, à condition que le salaire ne soit pas inférieur à 70 % de celui ayant été perçu lors de la précédente mission.

Partager ce contenu
À lire aussi
Les dispositifs de monitoring du diabète composent un marché dynamique, stimulé par l’innovation et l’élargissement p...
À compter de la déclaration 2025 (sur les revenus de 2024), les rémunérations des associés de SEL sont soumises à l’i...
Les laits et crèmes formulés à base de filtres chimiques sont les références à recommander pour assurer une protectio...