N°1368
Mars 2025

Des Nobels mabouls

Le cru 2022 des Ig Nobel (prononcez [ignobel], contraction d’« ignoble » et de « Nobel ») est arrivé et, qui l’eût cru, les études primées sont aussi loufoques…que rigoureuses !

© ADOBESTOCK_DANIELLE BONARDELLE
par Hélène Bry
Le 01 novembre 2022
  • 🇵🇱 Pologne

    Ice Cream anti mucite

    Le prix de médecine des Ig Nobel a été décerné à des chercheurs polonais de l’université de Varsovie pour avoir trouvé un effet médical insoupçonné à la crème glacée. Dans une étude, publiée en novembre 2021 dans Scientific Reports, ils se sont penchés sur le cas des personnes qui doivent recevoir une transplantation autologue de cellules souches hématopoïétiques et préalablement subir plusieurs chimiothérapies induisant une inflammation pénible de la muqueuse buccale, la mucosite orale ou mucite. Pour réduire l’incidence de cet effet indésirable, on leur propose de sucer des glaçons mais, comme s’est interrogé l’un des auteurs lors de la cérémonie, « Qui a envie de sucer des glaçons pendant des heures ? ». De la glace ou des sorbets, voilà qui est plus engageant ! Les chercheurs ont donc établi le protocole suivant : sur 74 patients recevant une chimio, 52 pouvaient consommer des glaces tout au long du traitement ! Seule contrainte : les laisser fondre doucement dans la bouche pour que le froid agisse comme dans une cryothérapie classique. Résultat : dans le « groupe glaces », 28,84 % ont développé une mucite alors que dans celui sans cryothérapie, ils étaient 59,09 %. « Consommer crèmes glacées et sorbets a un effet protecteur significatif contre la mucite », concluent les auteurs, dont l’un s’est exclamé lors de la remise du prix : « Ce n’est pas de la blague, c’est de la médecine basée sur la preuve ! »

  • 🇬🇧 Royaume-Uni

    Petits coeurs synchrones

    Convaincus que « les humains sont des animaux sociaux dont le bien-être est façonné par la capacité à s’attirer et se connecter les uns aux autres », des chercheurs du Royaume-Uni, de République tchèque, des Pays-Bas et d’Aruba ont démontré que lorsque deux personnes se rencontrent pour la première fois et se plaisent, leurs rythmes cardiaques se synchronisent. Récompensés par le prix de cardiologie appliquée, ils ont ainsi réuni des hommes et des femmes dans des rendez-vous comprenant deux minutes de discussion, puis deux minutes face à face sans se parler. Les « cobayes » étaient équipés de capteurs mesurant leur fréquence cardiaque et leur conductance électrodermale, soit l’activité électrobiologique enregistrée à la surface de la peau. Des caméras filmaient par ailleurs le moindre de leurs mouvements. Constat des chercheurs : « Les signaux manifestes tels que les sourires, les rires, le regard ou leur mimétisme ne sont pas significativement associés à l’attirance. » En revanche, « l’attraction a été prédite par la synchronisation de la fréquence cardiaque et de la conductance cutanée entre les partenaires, qui sont secrètes, inconscientes et difficiles à réguler ». Jamais l’expression « le courant passe » entre deux personnes n’a vu plus parlante illustration !

  • 🇧🇷 Brésil

    Automutilation

    Le prix de biologie a distingué trois études menées pardeux chercheurs brésiliens sur l’autotomie chezle scorpion et les conséquences de cette capacité à détacher une partie de leur corpsen réponse à une tentative de prédation. Les lézards sont notamment connuspour se débarrasser de leur queue afin de décamper au plus vite, celle-ci ayant la bonne idée de repousser. Les scorpions du genre Ananteris n’ont pas cette chance : lorsqu’ilss’autotomisent, ils ne perdent pas seulement – à jamais – leurs derniers segments abdominaux (ou queue) contenant leur aiguillon venimeux, mais aussi leur anus. Les infortunés arachnides souffrent alors d’une constipation lente mais à l’issue mortelle. Avant qu’ils n’en meurent, cette autotomie a d’autres retentissements sur la vie de ces animaux, notamment leur accouplement et reproduction, mais aussi leur prédation du fait de la perte du dard qui inocule le venin. Le succès de la maîtrise des grandes proies par les scorpions mâles diminue ainsi de 47 à 1 % et de 97 % à 70 % chez les femelles. Enfin, les scientifiques ont montré que la perte de queue n’avait pas d’impact immédiat sur les performances locomotrices des scorpions, mais à long terme nuisait à la vitesse de course maximale des mâles alors que les femelles, elles, demeuraient toujours aussi fortiches en sprint !

  • 🇮🇹 Italie

    Good luck

    Le prix d’économie a été remis à des chercheurs qui ont démontré mathématiquement que, s’il est vrai qu’un certain degré de talent est nécessaire pour réussir dans la vie, ce ne sont presque jamais les personnes les plus talentueuses qui atteignent les plus hauts sommets. Elles sont dépassées par des individus moyennement talentueux mais plus chanceux. Ce résultat contre-intuitif a été quantifié pour la première fois par des scientifiques italiens qui ont publié, en juillet 2018 dans World Scientific, une étude intitulée « Talent versus chance : le rôle du hasard dans le succès et l’échec ». Déjà récompensés
    précédemment par un Ig Nobel, ils ont donc voulu savoir si le plus important pour s’élever socialement était le talent ou la bonne fortune. Le talent, notamment mesuré par le QI, connaît une distribution gaussienne (à savoir « normale », en statistiques). Quant au succès, qui se mesure habituellement
    par la quantité d’argent détenue, il répond, lui, à une distribution de loi de puissance avec, en schématisant, beaucoup de pauvres (80 %) et peu de riches (20 %). Les chercheurs ont donc simulé les carrières de milliers de personnes dans un monde virtuel, peuplé à 50/50 d’opportunités chanceuses et d’accidents de parcours malchanceux répartis aléatoirement chez tout le monde. Le résultat est sans appel : « Les individus modérément talentueux mais très chanceux réussissent toujours mieux que les individus brillantissimes mais malchanceux. »

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