Accueil / Santé / International / Du nouveau sur la douleur
Elle signale un danger, nous permet d’y échapper et pourrait même réduire l’incidence de certaines lésions. Faisant de nous des êtres sensibles, la douleur n’a pas encore livré tous ses secrets.
🇺🇸 États-Unis
Quand le mal fait du bien
La douleur est l’outil le plus fiable de l’évolution pour détecter un danger. Et si, en plus d’être un signal d’alarme, elle était activement protectrice ? C’est ce que suggèrent des chercheurs de la Harvard Medical School. Dans une étude parue dans Cell le 14 octobre 2022, ils montrent que les neurones de la douleur dans l’intestin des souris régulent la présence de mucus protecteur et stimulent les cellules intestinales pour qu’elles en libèrent davantage en cas d’inflammation. « La douleur est un symptôme courant des états inflammatoires chroniques de l’intestin, comme la colite, mais notre étude montre que la douleur aiguë joue également un rôle protecteur direct », notent les auteurs en décrivant un processus de conversation moléculaire s’engageant entre les neurones de la douleur et les cellules intestinales caliciformes contenant le mucus protecteur. En effet, nos intestins, comme nos voies respiratoires, sont tapissés de ces cellules en forme de calice gorgées de mucus gélatineux protégeant la surface des organes de l’abrasion. De fait, l’équipe qui s’est penchée sur des souris dépourvues de neurones de la douleur a remarqué qu’elles produisaient moins de mucus et présentaient une dysbiose intestinale assortie, lorsqu’une colite survenait, de dommages plus graves. « Une partie de ce signal de douleur pourrait être directement protectrice en tant que réflexe neuronal, ce qui soulève des questions importantes sur la façon de gérer soigneusement la douleur d’une manière qui n’entraîne pas d’autres dommages », soulignent les auteurs.
🇨🇦 Canada
Douleur sexuée
Dans la prise en charge de la douleur, notamment chronique, le fait que le patient soit un homme ou une femme est rarement pris en considération et les mêmes protocoles continuent d’être appliqués aux deux sexes. Cela s’explique par le fait que les études sur les circuits neuronaux de la douleur validant les candidats médicaments sont presque toujours menées sur des rats mâles. De même, dans les essais cliniques chez l’humain, même lorsqu’autant d’hommes et de femmes sont inclus, les données sont rarement analysées séparément.
L’étude des mécanismes sous-jacents aux douleurs chroniques en fonction du sexe a pourtant intéressé des chercheurs canadiens qui ont publié leurs résultats dans Brain le 23 mars 2022. Travaillant à partir d’échantillons de moelle épinière issus de 10 femmes et 12 hommes décédés ainsi que sur des rats mâles et femelles, ils se sont penchés sur la protéine brain-derived neurotrophic factor (BNDF) qui a la propriété d’augmenter la sensibilité à la douleur. D’après leurs constatations, celle-ci n’a pas provoqué les mêmes réactions dans les tissus humains féminins ou masculins ni chez les rongeurs femelles ou mâles. Les scientifiques ont également observé des mécanismes neuronaux de la douleur différents en fonction du sexe, avec notamment un rôle important joué par les hormones. D’ailleurs, les rats femelles qui avaient subi une résection des ovaires réagissaient à la douleur de manière similaire à des mâles. Ces résultats suggèrent notamment que la conception des traitements antalgiques gagnerait à davantage cibler des mécanismes de la douleur communs aux deux sexes.
🇨🇭 Suisse
La voix des mères
On sait empiriquement qu’un bébé qui entend sa mère est apaisé, mais personne n’avait encore jamais quantifié ce soulagement en matière de baisse de l’intensité de la douleur lors d’examens médicaux. C’est chose faite grâce à une étude parue dans Scientific Reports le 27 août 2021, menée par des chercheurs de l’Université de Genève avec des collègues italiens. Ils ont scruté les réponses à la douleur de 20 prématurés lors d’une procédure de routine au cours de laquelle le pied du bébé est piqué et quelques gouttes de sang recueillies. L’équipe a mesuré les expressions faciales, le rythme cardiaque et les niveaux d’oxygène, dans trois conditions survenant aléatoirement : la mère parlant à son bébé, fredonnant une chanson à son enfant ou étant absente.
Résultat : les niveaux de douleur sont passés de 4,5 à 3 sur une échelle de 21 points lorsque les mères parlaient, une réduction plus importante même que lorsqu’elles chantaient. « Pour cet âge spécifique, il s’agit d’un changement important », précise Manuella Filippa, responsable de l’étude. Une augmentation significative de l’ocytocine dans la salive des bébés a aussi été enregistrée. Cette hormone, « connue pour être impliquée dans les processus d’attachement, peut également être protectrice contre la douleur, note-t-elle. Le message clé est qu’il est très important d’impliquer les parents dans les soins précoces de leurs prématurés, même dans des situations difficiles comme les procédures douloureuses, en utilisant leur voix ». Si la réduction des scores peut paraître faible, elle offre une stratégie prometteuse pour améliorer le confort des bébés par des voies non médicamenteuses.
🇸🇬 Singapour
Des robots qui ont bobo
Des chercheurs de l’Université de technologie de Nanyang à Singapour ont développé un système inédit permettant aux robots de « ressentir » la douleur afin de préserver leurs fonctions. Ils ont ainsi doté une main robotique d’une peau synthétique intelligente, capable de percevoir une sensation comparable à la douleur et de s’y soustraire rapidement. Ce système s’appuie sur des nœuds de capteurs activés par l’intelligence artificielle (IA) qui traitent le stimulus de « douleur » déclenché par une pression provoquée par une force physique extérieure. Alors que ses congénères de générations antérieures recueillent les informations de leur environnement via des capteurs qui les envoient à une unité centrale, impliquant des temps de réponse plus longs, ces nouveaux robots possèdent un système décentralisé. Leur IA étant directement intégrée au réseau de nœuds de capteurs, l’apprentissage se fait localement, réduisant de 5 à 10 fois le temps de réaction. Pour éduquer la machine à « souffrir », l’équipe a utilisé des « memristors », dispositifs électroniques se comportant comme de petits cerveaux. L’étude, parue le 12 août 2020 dans Nature Communications, a également montré que le robot continue de répondre à la pression même après avoir été endommagé.
🇨🇲 Cameroun
Nicotine antidouleur
Toute opération implique un arrêt momentané du tabagisme. Si ce séjour hospitalier les aide parfois à se sevrer, il expose les fumeurs à des douleurs péri-opératoires plus importantes que les non-fumeurs, du fait d’une carence brutale en nicotine au niveau des récepteurs cérébraux. Un essai pilote randomisé en double aveugle a testé l’intérêt de patchs nicotiniques fortement dosés sur la réduction des douleurs des opérés fumeurs. L’étude, publiée le 2 mai 2023 dans Addiction, a inclus 101 hommes ayant subi, entre octobre 2018 et décembre 2021, une intervention dans le service de chirurgie hépatobiliaire de l’hôpital de Shangaï. Tous ont stoppé le tabac dès leur admission. Le groupe traité (51 hommes) a reçu des patchs fortement dosés de l’admission à 48 heures après la chirurgie, tandis que les 50 autres patients recevaient un placebo.
Résultat : les seuils de douleur recueillis avant l’intervention étaient significativement plus hauts dans le groupe traité que dans le groupe témoin et les patients sous nicotine ont consommé moins d’analgésiques dans les 48 heures suivant la chirurgie en raison d’une moindre intensité de la douleur postopératoire.
Un essai qui plaide donc en faveur de l’administration de patchs fortement dosés pour atténuer les douleurs péri-opératoires des fumeurs sans effets secondaires particuliers.
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