N°1368
Mars 2025

En avant la musique

La musique ne fait pas qu’adoucir les mœurs, elle fait aussi avancer la science grâce à des recherches surprenantes sur ses effets sur le cerveau.

par Hélène Bry
Le 15 février 2023
  • 🇦🇨 Île de l'Ascension

    Pump up the bass !

    Des neuroscientifiques de l’Université McMaster de Hamilton (Canada) publient dans Current Biology le 7 novembre 2022 une étude qui démontre que les basses fréquences, même lorsqu’elles ne sont pas audibles, sont celles qui donnent irrésistiblement envie de s’emballer sur la piste de danse. Ils ont ainsi mené une expérience grandeur nature où la moitié des 130 spectateurs d’un concert de musique électro ont porté sur la tête un bandeau équipé d’un capteur enregistrant leurs mouvements en temps réel. Au cours du show, des haut-parleurs « très basses fréquences » ont été éteints puis rallumés toutes les 2,5 minutes pendant 55 minutes. Les résultats montrent que les participants dansaient près de 12 % de plus lorsque ces basses fréquences, indétectables, étaient diffusées en plus de la musique. Le public « n’était pas conscient de ces changements, mais ceux-ci guidaient pourtant leurs mouvements », résume Daniel Cameron, auteur principal de l’étude. La fréquence d’un son, aussi appelé « hauteur », est le nombre de fois par seconde qu’une onde sonore se répète ; un son à très basse fréquence a donc un nombre de cycles complets d’ondes sonores par seconde suffisamment faible pour être indétectable… à l’oreille. Mais selon les chercheurs, il est probable que ce soient des mécanorécepteurs sur la peau qui captent ces fréquences, ainsi que le système vestibulaire de l’oreille interne. Daniel Cameron, lui-même batteur, a ainsi démontré la « relation spéciale » entre basses et danse, jusqu’ici observée de manière anecdotique puisque, on l’a tous observé lorsqu’une fête bat son plein, « les gens ont tendance à monter les basses ».

  • 🇦🇨 Île de l'Ascension

    Des notes pour chasser les cauchemars

    Dans une étude parue dans Current Biology le 27 octobre 2022, des neuroscientifiques de la Faculté de médecine de Genève (Suisse) expliquent avoir mis au point une technique non médicamenteuse pour limiter l’apparition des cauchemars qui consiste en un simple accord joué au piano à faire écouter aux dormeurs. Plus de 30 volontaires abonnés aux mauvais rêves (plus de trois épisodes hebdomadaires), répartis en deux groupes, devaient leur imaginer une issue positive et la consigner par écrit. Seule différence : pendant cet exercice, un son répétitif, l’accord C69 (do mi sol la) joué au piano, était diffusé aux seuls participants du premier groupe. Tous étaient ensuite équipés de casques audio, distillant dans leurs oreilles le fameux accord toutes les 10 secondes lors du sommeil paradoxal. Après deux semaines, les cauchemars avaient nettement diminué dans les deux groupes, mais bien plus dans le premier. Plus intéressant encore : trois mois plus tard, les chercheurs constataient une reprise progressive de ces derniers, mais avec une augmentation plus faible chez ceux ayant fabriqué mentalement une issue moins stressante à leurs rêves en y associant l’accord de piano. « Pour nous, chercheurs et cliniciens, ces résultats sont très prometteurs à la fois pour l’étude du traitement émotionnel pendant le sommeil et pour le développement de nouvelles thérapies. »

  • 🇦🇨 Île de l'Ascension

    La musique rend plus humain

    Avec l’expérience collective inédite du confinement, des neuroscientifiques des Universités Bar-Ilan (Israël) et de Chicago (États-Unis) ont voulu savoir ce qui se passe précisément dans le cerveau lorsque des gens jouent de la musique ensemble. Ils se sont inspirés dans leur étude, publiée dans American Psychologist en octobre 2021, des personnes qui chantaient à l’unisson d’un balcon à l’autre, des chants groupés sur des plateformes de visioconférence et des concerts diffusés en direct comme « One World : Together At Home » à l’initiative de Lady Gaga. Leur étude révèle que 5 mécanismes cérébraux précis contribuent à la connexion sociale à travers la musique : les circuits de l’empathie (ceux qui nous aident à nous adapter à la façon dont les autres pensent et ressentent, qui peuvent être améliorés grâce à la coordination musicale interpersonnelle), la sécrétion d’ocytocine (contribuant à notre sentiment de lien social avec les autres), la dopamine (neurotransmetteur produisant un sentiment de plaisir, qui est libéré pendant l’anticipation et l’attente musicale), les structures du langage (impliquées dans le dialogue musical) et enfin le cortisol (l’hormone du stress, qui diminue lors du chant choral).

  • 🇦🇨 Île de l'Ascension

    The Cure contre l'ivresse du sommeil

    L’inertie du sommeil, autrement appelée éveil confusionnel ou ivresse du sommeil, est une période, pouvant durer de quelques minutes à plusieurs heures, d’altération de la vigilance lors de la transition sommeil-éveil. La personne semble éveillée mais subit une baisse de dextérité motrice, des déficits de mémoire, une désorientation dans le temps et l’espace, qui peut même s’avérer dangereuse dans certaines situations. Elle a d’ailleurs été adoptée comme trouble d’hypersomnolence dans le DSM-5. Des chercheurs de la RMIT University de Melbourne, en Australie, ont étudié, par une étude parue dans Plos One le 28 janvier 2020, l’impact du type de son utilisé pour « dessoûler » de cette ivresse auprès de 50 volontaires. Ils devaient, chez eux, enregistrer le son avec lequel ils se réveillaient, puis évaluer leur niveau de vigilance en répondant à des questions spécifiques. Il apparaît que les personnes utilisant la musique en guise de sonnerie avaient des niveaux de vigilance accrus par rapport à celles qui avaient opté pour un bip strident. « Un bip-bip sévère pourrait perturber notre activité cérébrale au réveil, tandis qu’un son plus mélodieux comme les bonnes vibrations des Beach Boys ou de The Cure pourrait nous aider à nous réveiller de manière plus efficace », affirme Adrian Dyer, l’un des auteurs.

  • 🇦🇨 Île de l'Ascension

    Les souris se trémoussent

    Des chercheurs de l’Université de Tokyo ont montré, par une étude parue dans Science Advances le 11 novembre 2022, que des rats exposés à la musique ont fait preuve d’une synchronisation innée sur des morceaux au rythme de 120 à 140 battements par minute (bpm). Les chercheurs ont analysé le comportement de 20 humains et 10 rats. Pour étudier le moindre mouvement de tête des petites bêtes, elles étaient équipées d’accéléromètres miniatures sans fil. Les cobayes, humains et murins, ont été exposés à des extraits d’une minute de la Sonate pour deux pianos en ré majeur de Mozart, à 4 tempos différents : 75, 100, 200 et 400 % de la vitesse originelle. Résultat : la synchronicité des battements des rats était la plus claire dans la plage de 120 à 140 bpm, soit le tempo normal de la sonate qui est de 132 bpm. D’ailleurs, dans cet intervalle, les souris et les hommes secouaient la tête à un rythme similaire et le niveau de secousses diminuait au fur et à mesure que la musique était accélérée. Même constat sur Born this way de Lady Gaga, Another one bites the dust de Queen ou Beat it de Michael Jackson. Les chercheurs émettent l’hypothèse d’un « tempo optimal » pour la synchronisation des battements qui serait commun à de nombreuses espèces. Et disent vouloir désormais explorer les effets des mélodies et des harmonies sur le cerveau : « Si la musique agit sur les émotions, ce serait vraiment très intéressant d’être capable de l’observer sur des animaux. »

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