Accueil / Santé / International / La science sur les dents
Ces petits morceaux d’émail, mais aussi de dentine et de pulpe, sont essentiels à notre sourire ainsi qu’à notre santé. Voici quelques récentes découvertes qui prouvent à quel point il convient de dorloter nos quenottes.
🇬🇧 Royaume-Uni
La preuve par les dents
Une nouvelle analyse des dents de La Cotte de Saint- Brelade à Jersey apporte la preuve d’un métissage entre Néandertal et Homo sapiens. Les 13 dents découvertes en 1910 et 1911 étaient censées avoir appartenu à Néandertal. Mais des chercheurs du Musée d’histoire naturelle de Londres, de l’Institut d’archéologie de l’University College de Londres (UCL), de l’Université du Kent et de l’Institut Max-Planck d’anthropologie évolutionniste ont réexaminé ces très vieilles quenottes. Et leur nouvelle analyse, publiée en mars 2021 dans le Journal of Human Evolution, a montré que les dents provenaient en réalité de deux individus différents. Bien qu’elles aient toutes des caractéristiques de Néandertal, certaines d’entre elles manquent clairement de spécificités présentes chez cette espèce éteinte il y a 40 000 ans. De fait, des aspects de leur forme sont typiques de l’homme moderne, Homo sapiens, comme « le manque d’asymétrie et l’absence de crêtes transversales dans les prémolaires inférieures », lit-on dans l’étude. On sait aujourd’hui, à la lumière des travaux de datation sur le site que les 13 dents en question ont moins de 48 000 ans et pourraient donc compter parmi les plus récents restes de Néandertal connus. Il est aussi établi que les humains modernes ont vécu concomitamment avec les Néandertaliens dans certaines parties de l’Europe il y a 45 000 ans. « Ces dents ont moins de 48 000 ans, ce qui les place dans la période où les Néandertaliens et les Homo sapiens se chevauchaient. Cela ajoute à la possibilité qu’il y ait eu une population d’ascendance mixte », commente Chris Stringer, expert de l’évolution humaine au Musée d’histoire naturelle de Londres. « Cette idée d’une population hybride pourrait être testée en examinant l’ADN ancien des dents, ce que nous espérons faire à l’avenir. » Les dents de Jersey n’ont donc pas fini de livrer leurs secrets.
🇪🇸 Espagne
Le mystère du froid aux dents enfin élucidé
L’émail des dents constitue la partie la plus dure du corps humain, au point de pouvoir broyer du pain dur ou du nougat sans la moindre douleur. Mais dès que le froid entre en jeu, il n’est pas rare de voir certains grimacer de douleur à cause d’un simple sorbet ! Si les nocicepteurs du froid au niveau cutané sont connus depuis vingt ans, les récepteurs équivalents au niveau dentaire sont longtemps restés un mystère. Les premières protéines capables de détecter le froid, les TRP (en anglais Transient Receptor Potential), ont été décrites au milieu des années 2000. En ce qui concerne la peau, la perception des sensations de froid est médiée par les récepteurs TRPM8 (qui détecte par exemple la fraîcheur d’un chewing-gum mentholé) et TRPA1 (qui s’alarme d’une température si basse qu’elle risque de léser les tissus). Mais pour les dents, ce sont en fait les canaux odontoblastes (entre la dentine et l’émail) TRPC5 qui signalent une douleur froide dans les dents. Une équipe espagnole, qui a publié en mars 2021 dans Science Advances, a prouvé qu’en bloquant ces canaux TRPC5 chez la souris, les réponses au froid en provenance des dents étaient inhibées. Il a par ailleurs été prouvé que le clou de girofle, utilisé depuis l’Antiquité pour soulager les maux de dents, agit en empêchant l’ouverture des TRPC5. L’idée, maintenant que le mécanisme est identifié, est de tester divers composés chimiques pour trouver ceux susceptibles de moduler l’ouverture et la fermeture de ces canaux afin de soulager les douleurs dentaires.
🇬🇧 Royaume-Uni
Opéré à coeur ouvert pour un pop-corn
L’affaire avait défrayé la chronique en Angleterre. Le 6 janvier 2019, on apprenait qu’Adam Martin, un pompier de 41 ans, père de 3 enfants, avait dû être opéré à cœur ouvert… à cause d’un simple pop-corn coincé entre ses dents ! L’homme tente d’abord vainement d’expulser, durant plusieurs jours et au moyen de moult objets, le bout de maïs qui s’est logé dans ses dents pendant qu’il regardait tranquillement un film avec sa femme. Une semaine plus tard, Adam est pris de sueurs nocturnes, fatigue, maux de tête et d’un léger syndrome grippal. Une visite chez son généraliste révèle un petit souffle cardiaque mais les analyses de sang et les imageries ne montrent rien à part des marqueurs d’inflammation légèrement augmentés. Quelques jours plus tard, le pompier, toujours fébrile, remarque une tache rouge sur son doigt de pied qui sera rétrospectivement diagnostiquée comme lésion de Janeway, l’un des symptômes d’une endocardite infectieuse. S’inquiétant de plus en plus de son état, somnolant beaucoup et cumulant maux de tête et souffrances à une jambe, Adam se rend aux urgences. La douleur musculaire à la jambe se révélant provoquée par un caillot infecté dans la fémorale, il est immédiatement mis sous antibiotiques pour combattre l’infection mais son cœur est déjà sévèrement atteint. Seule solution à ce stade : une opération à cœur ouvert de 7 heures pour remplacer sa valve aortique et réparer sa valve mitrale, endommagées par l’infection. En trifouillant sa dent avec divers ustensiles, Adam a donc endommagé sa gencive, faisant entrer des bactéries qui ont migré jusqu’au cœur et provoqué une endocardite. « J’aurais dû aller chez le dentiste tout de suite », a reconnu celui qui a juré qu’il ne mangerait plus jamais de pop-corn !
🇫🇷 France
L'environnement attaque aussi l'email
Les perturbateurs endocriniens sont l’objet de toutes les craintes. Ces substances désormais sous surveillance ont en effet la capacité de modifier les actions des hormones et sont reconnues comme susceptibles de mettre à mal le développement physiologique et de potentialiser la survenue de cancers. Une étude française réalisée par une équipe de l’Inserm et publiée en juin 2022 dans la revue Environmental Health Perspectives apporte dorénavant la preuve qu’elles sont également nuisibles aux dents. En exposant des souris à un membre de la famille des phtalates, le DEHP, les chercheurs ont mis en évidence une action délétère sur les dents des rongeurs qui devenaient opaques, ébréchées, voire cassaient. Le plus inquiétant est que les doses utilisées correspondaient, pour l’une, au niveau d’exposition quotidienne d’un enfant à cette substance et, pour l’autre, à celui des patients hospitalisés sous perfusion ou dialyse. En effet, le DEHP est présent dans les bouteilles et films plastique tout autant que dans les poches de sang et autres matériels médicaux. Les chercheurs pensent ainsi que la prévalence en hausse dans le monde d’une pathologie hypominéralisante de l’émail des incisives et des molaires, touchant 15 % des enfants, est en partie due à une exposition trop importante au DEHP.
🇯🇵 Japon
Un anticorps qui régénère les dents
L’être humain possède 32 dents. Mais il arrive qu’à l’occasion d’une radio, le dentiste détecte une dent supplémentaire, souvent au niveau des incisives. À l’inverse, certaines personnes ont une ou plusieurs dents en moins : c’est l’agénésie dentaire. Quand elle concerne les dents de sagesse, ce n’est guère gênant, mais lorsqu’elle est handicapante ou inesthétique, on peut être amené à poser une prothèse ou un implant. Or, une étude publiée dans Science Advances de février 2021 par des chercheurs des universités de Kyoto et d’Osaka entrouvre une piste pour de futurs traitements médicamenteux de cette anomalie. Leur expérience menée sur des souris s’est concentrée sur le gène USAG-1 qui code une protéine du même nom impliquée dans la croissance des dents. Lorsqu’il s’exprime, il réprime l’arrivée de dents surnuméraires, alors que s’il est déficient ou que la protéine qu’il code est inactive, la pousse se fait de manière anarchique. Les scientifiques japonais ont ainsi mis au point des anticorps monoclonaux dirigés contre la protéine USAG-1 puis les ont injectés à des souris gestantes. Le résultat a été à la hauteur de leurs attentes : la repousse de plusieurs dents initialement manquantes sur la progéniture, une molaire mandibulaire et des incisives maxillaires et mandibulaires. Voilà donc une piste encore lointaine mais intéressante contre l’agénésie, sachant que les chercheurs précisent que l’utilisation de ces anticorps monoclonaux anti-USAG-1 devrait être envisagée uniquement dans les formes congénitales de cette anomalie.
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