N°1368
Mars 2025

La science tend l’oreille

Dans un rapport sur l’audition publié en mars 2023, l’OMS estime qu’à l’horizon 2050, une personne sur quatre souffrira de déficience auditive à des degrés divers. Où en est la science sur le sujet ?

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par Hélène Bry
Le 26 août 2023
  • 🇫🇷 France

    Générer de nouveaux cils

    Les cellules ciliées, qui doivent leur nom au fait qu’elles sont constituées de structures filamenteuses, les stéréocils, tapissent la cochlée de l’oreille interne, petit os en forme de coquille d’escargot. Cet ensemble constitue notre système auditif et vestibulaire. Une fois endommagés, en général par une exposition répétée à des bruits trop forts (concerts, chantiers, détonations), ces cils ne repoussent jamais. Mais des chercheurs de l’Université de Rochester pensent tenir une piste pour invalider cette sentence. Dans une étude publiée le 6 janvier 2023 dans Frontiers in Cellular Neuroscience, ils ont identifié des mécanismes qui pourraient favoriser ce type de régénération chez les mammifères. De précédents travaux avaient montré que l’activation de la voie du gène de croissance ERBB2 déclenchait une succession d’événements cellulaires aboutissant à la multiplication des cellules de soutien de la cochlée et à l’activation de cellules souches voisines qui deviennent de nouvelles cellules ciliées. « Lorsque nous avons vérifié ce processus chez des souris adultes, nous avons pu montrer que la présence du gène ERBB2 entraînait notamment l’expression de la protéine SPP1, laquelle est nécessaire à l’activation du récepteur CD44 (présent dans les cellules de soutien de la cochlée) et à la croissance de nouvelles cellules ciliées », relate Dorota Piekna- Prybylska, coauteure.

  • 🇫🇷 France

    Pas trop tard pour entendre

    Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, du CNRS, du Collège de France, de Sorbonne Université et de l’Université Clermont Auvergne, en collaboration avec les universités de Miami, Columbia et San Francisco, ont relaté le 18 février 2019 dans PNAS être parvenus à restaurer l’audition au stade adulte chez un modèle murin de surdité DFNB9, l’un des troubles auditifs congénitaux d’origine génétique les plus fréquents. Cette surdité sévère, caractérisée par la perte de plus de 90 décibels, s’explique par la mutation d’un gène codant pour une protéine, l’otoferline. Dans une audition normale, c’est cette protéine qui, en réponse à un signal sonore, permet aux cellules sensorielles de l’oreille interne de libérer un neurotransmetteur qui stimule les neurones auditifs. Dans l’objectif de restaurer la production d’otoferline, les chercheurs ont injecté dans la cochlée des souris sourdes une version fonctionnelle du gène manquant ou altéré à l’aide de vecteurs, des petits virus à ADN non pathogènes, et sont parvenus à rétablir les seuils auditifs des rongeurs à un niveau quasi normal. Ces résultats sont d’autant plus intéressants qu’ils ont été obtenus chez des souris dont la surdité était déjà installée à un stade mature. Chez l’humain, on pensait qu’un traitement, pour être efficace, ne pourrait être appliqué qu’au stade néonatal, avant que ne s’achève le développement de l’oreille interne et ne débute l’audition vers la vingtième semaine de gestation. Ces résultats de thérapie génique laissent donc espérer que l’on puisse intervenir plus tard sur les surdités génétiques humaines.

  • 🇬🇧 Royaume-Uni

    Risque accru de démence

    En 2020, une commission d’experts dirigée par le psychiatre Gill Livingston, de l’University College de Londres, a décrit en juillet 2020 dans The Lancet
    douze facteurs qui, cumulés, représentent 40 % des causes de développement d’une démence. Il ressort de cette analyse qu’à partir du milieu de la vie, la perte auditive représente le premier facteur de risque de démence, devant le manque d’éducation dans le jeune âge, la consommation de tabac, la dépression et l’isolement social à un âge avancé. Concrètement, les chercheurs estiment donc que la perte auditive est le principal facteur de risque évitable de la démence et que sa suppression réduirait l’incidence de la démence de 8 %.
    Question cruciale : le fait de s’appareiller permet-il d’enrayer le phénomène ? Plusieurs études ont livré des résultats contradictoires, mais la commission d’experts pilotée par Livingston recommande de le faire afin de réduire le risque de maladie d’Alzheimer et apparentées.

  • 🇨🇭 Suisse

    Plus sensibles à gauche

    Des neuroscientifiques suisses ont montré, le 19 mai 2023 dans Frontiers in Neuroscience, que le cortex auditif primaire du cerveau est plus sensible aux vocalisations humaines associées à des émotions positives et provenant de notre côté gauche, qu’à tout autre type de sons. Les chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, du centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et de l’Université de Lausanne ont comparé l’activité cérébrale de 13 volontaires âgés de la vingtaine, hommes et femmes, grâce à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. Des sons ont été diffusés à gauche, à l’avant et à droite des personnes. Aucune différence n’a été observée lorsque les sons étaient associés à une émotion neutre ou négative : du vent, des voyelles prononcées sans contexte, un cri d’effroi… Mais lorsqu’étaient diffusées des vocalisations humaines positives, comme de bonnes nouvelles ou des sons érotiques, le cerveau réagissait différemment quand ces bruits étaient captés par l’oreille gauche : les zones du cortex cérébral connues pour leur importance dans les premiers stades du traitement des sons étaient activées plus intensément. C’est donc là que le cerveau ferait le tri et exprimerait son penchant pour les sons humains positifs. « On ignore actuellement quand la préférence du cortex auditif primaire pour les vocalisations humaines positives provenant de la gauche apparaît au cours du développement humain, note la Pr Stéphanie Clarke, coauteure. Une fois que nous l’auront saisi, nous pourrons nous demander si cela peut être lié au fait d’être droitier ou gaucher, ou à la disposition asymétrique des organes internes. »

  • 🇨🇳 Échine

    Hommes inaudibles

    Un article du Daily Mail du 10 janvier 2019 rapporte le cas d’une certaine madame Chen, vivant à Xiamen sur la côte sud-est de la Chine, qui s’est réveillée un matin en n’entendant plus la voix de son compagnon. En vieillissant, nous perdons de l’audition dans les aigus au contraire de cette personne dont la perte n’affectait que les basses fréquences caractérisant majoritairement les voix masculines en regard de celles des femmes. Ce trouble rare, connu sous le terme de « perte auditive en pente inversée », ne concerne qu’1 personne sur 12 000 avec un problème auditif et serait essentiellement lié à la maladie de Ménière ou à des mutations génétiques. Mais le cas de madame Chen qui, le soir précédant l’incident, est allée se coucher avec des sifflements d’oreille et la nausée semble résulter d’autres facteurs. À l’hôpital, la docteur Lin Xiaoqing qui l’a auscultée a bien remarqué qu’elle était capable de l’entendre, mais pas les voix masculines des patients. Selon elle, ce rare trouble auditif pourrait être dû en la circonstance à une accumulation de fatigue et de stress durant plusieurs jours.

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