N°1368
Mars 2025

L’amour, toute une science !

« Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour », disait le poète Pierre Reverdy. En ce lendemain de Saint-Valentin, explorons les preuves de cet élan du cœur fournies par la science.

par Hélène Bry
Le 05 février 2024
  • 🇦🇨 Île de l'Ascension

    Âmes soeurs

    Des chercheurs de l’Université du Colorado à Boulder (États-Unis) ont publié le 31 août 2023 dans Nature Human Behaviour une méta-analyse qui met à mal le mythe romantique (et magnétique) des « opposés qui s’attirent ». Leurs travaux confirment au contraire la maxime nettement moins glamour du « qui se ressemble s’assemble ». Ils ont passé au crible les ressemblances et dissemblances portant sur 22 traits caractéristiques de millions de coparents hommes- femmes, couples fiancés, mariés ou en concubinage documentés dans 199 études remontant jusqu’à 1903.
    Par ailleurs, 133 traits chez 79 074 couples hétérosexuels inscrits dans la UK Biobank, qui suit 500 000 volontaires au Royaume-Uni depuis 2006 et pour au moins trente ans ont également été intégrés. L’examen minutieux de ces données sur la manière dont Cupidon décoche ses flèches révèle peu de hasard et d’exotisme ! Les couples se sont appariés sur des caractéristiques communes, allant des opinions politiques et religieuses aux niveaux d’éducation en passant par les mesures de QI et même le fait d’avoir été allaités ou non bébé ! Même sur le plan sexuel, des convergences sont apparues : l’âge du premier rapport ou encore le nombre de partenaires intimes avaient tendance à s’accorder.

  • 🇦🇨 Île de l'Ascension

    L'amour est dans la prairie

    L’animal le plus proche de nous du point de vue de la vie de couple serait… le campagnol des prairies ! Ce rongeur du Midwest américain est un grand romantique : les couples vivent dans un nid commun, s’attachent et élèvent ensemble leurs petits. Si on les sépare, ils se cherchent, s’inquiètent lorsque l’autre est stressé et se blottissent l’un contre l’autre pour se réconforter. C’est il y a cinquante ans qu’a été identifié chez ces petites bêtes un équivalent de l’attachement humain, quand un jeune écologue de l’Université de l’Illinois remarqua qu’une espèce de rongeurs se comportait différemment, ne se laissant attraper que par paire mâle-femelle. Des années plus tard, les chercheurs ont scruté les neurones en action de ces animaux empathiques et découvert toute une machinerie neurochimique capable de créer de puissants liens grâce à un rôle majeur de l’ocytocine, mais aussi de lavasopressine et une forte concentration des récepteurs de ces hormones dans des zones cérébrales liées au circuit de la récompense, contrairement aux campagnols polygames. Dans la livraison de janvier 2023 de Neuron,des chercheurs américains montrent pourtant que des campagnols mutants, sans récepteurs d’ocytocine, ont continué à s’occuper ensemble de leur progéniture jusqu’au sevrage. Le fait que l’attachement social et la coopération parentale soient restés intacts pourrait donc impliquer que d’autres gènes ou voies neuronales prennent le relais.

  • 🇦🇨 Île de l'Ascension

    Analgésie tactile

    L’expression « main dans la main » revêt une réalité scientifique insoupçonnée. Tenir la main d’une personne qu’on aime pourrait entraîner une «synchronisation » des cerveaux et même apaiser la douleur si l’un des amoureux souffre. Pour parvenir à une telle conclusion, des chercheurs des universités du Colorado (États-Unis), de Haïfa (Israël) et de l’Institut Pasteur (France) ont équipé 22 couples de jeunes gens âgés de 23 à 32 ans de casques
    d’électroencéphalogramme (EEG) mesurant l’activité du cortex cérébral. Les amoureux étaient placés dans trois situations : dans des pièces séparées, dans la même sans se toucher, et en se tenant la main. Les ondes cérébrales étaient ainsi enregistrées, puis à nouveau alors qu’un des amoureux était soumis à un stimulus douloureux : de la chaleur sur le bras.
    Résultats, publiés dans PNAS en février 2018 : être en présence de l’être aimé, avec ou sans contact physique, était associé à une synchronisation de certaines ondes cérébrales dans la plage de fréquence alpha mu, importante dans la focalisation de l’attention. Le couplage des ondes était accru lorsque les couples se tenaient la main, et plus encore lorsqu’un des tourtereaux était (raisonnablement) molesté. « Nos résultats indiquent que tenir la main pendant la douleur augmente le couplage cerveau-cerveau qui lui-même est corrélé à l’amplitude de l’analgésie et à l’empathie du partenaire », résument les auteurs qui pensent que leurs résultats « apportent une contribution unique à notre compréhension des mécanismes physiologiques de l’analgésie liée au toucher ».

  • 🇦🇨 Île de l'Ascension

    Sevrage douloureux

    Voilà une étude qui fera passer aux adeptes des banalités langagières l’envie d’employer l’expression « Un(e) de perdu(e), dix de retrouvé(e)s » ! Des chercheurs américains ont fait passer des IRM à 10 femmes et 5 hommes à qui l’on demandait de regarder une photo de leur ex dont ils étaient toujours
    follement épris. Dans les faits, l’activité cérébrale de ces amoureux éconduits était semblable à celle de toxicomanes en manque de cocaïne. « L’activation des zones impliquées dans la dépendance à la cocaïne peut aider à expliquer les comportements obsessionnels associés au rejet amoureux », lit-on dans cette
    étude publiée en 2010 dans le Journal of Neurophysiology. Les auteurs y ont révélé comment ce qu’ils appellent le « rejet romantique » peut provoquer « une dépression clinique et, dans certains cas extrêmes, conduire au suicide et/ou à l’homicide ». Ils ont pu identifier les systèmes neuronaux associés à cette perte, et les hormones en cause dans ce profond dépit. La fameuse ocytocine d’abord dont la production chute fortement dans cette situation, provoquant un sentiment de manque, de solitude et de détachement.
    L’hormone du système de récompense synthétisée grâce aux stimuli agréables, la dopamine, n’est pas en reste et baisse également drastiquement. Les amoureux transis et délaissés vivent ainsi un véritable syndrome de sevrage.

  • 🇦🇨 Île de l'Ascension

    Cocktail hormonal

    Des chercheurs australiens ont publié le 10 novembre 2023 dans Behavioral Sciences une étude qui décrypte comment ce que la science nomme « amour romantique » brouille le cerveau. Adam Bode, coauteur, rappelle que « les Grecs anciens philosophaient beaucoup à ce sujet, le reconnaissant à la fois comme une expérience étonnante et traumatisante. Le plus ancien poème d’amour jamais retrouvé date d’environ 2 000 ans avant J.C. ». Pour comprendre ce qui se joue dans un cerveau « traumatisé » par l’amour, l’équipe a interrogé plus de 1 500 jeunes adultes amoureux afin de cerner le système d’activation comportementale (BAS) d’un encéphale énamouré. Leur réaction émotionnelle face à leur partenaire, leur comportement à son égard et l’attention qu’ils lui accordent ont été analysés grâce à une échelle d’évaluation appropriée. Si l’on savait déjà que le cerveau amoureux réagit différemment à cause de l’ocytocine libérée en grande quantité, les auteurs ont découvert qu’une forte activité du BAS entraînait aussi la libération de dopamine. L’action conjointe de ces deux hormones active les voies cérébrales liées aux sentiments positifs et amène un être cher à prendre une valeur inestimable, tournant à l’idée fixe. « Nous connaissons le rôle que joue l’ocytocine dans l’amour romantique, résume le Dr Phil Kavanagh, coauteur, cependant, la façon dont les êtres chers prennent une importance particulière est due à la combinaison de l’ocytocine et de la dopamine. »

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