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Un français trouve la clé de la narcolepsie
Un Français de l’Université de Stanford (États-Unis), le professeur Emmanuel Mignot, vient de recevoir le prestigieux Breakthrough Prize 2023 pour avoir percé le mystère de la narcolepsie (aux côtés du Japonais Masashi Yanagisawa parvenu à des conclusions similaires en même temps). Ses recherches ont montré que cette pathologie, touchant 1 personne sur 2 000, est une maladie auto-immune. En 1989, il se met en tête de trouver le gène produisant la narcolepsie chez des chiens narcoleptiques que possède Stanford. « Tout le monde m’a dit que j’étais fou », s’amuse Pr Mignot qui se lance dans son entreprise titanesque et trouve la réponse au bout de 10 ans. Il met ainsi en évidence une anomalie sur un récepteur des cellules du cerveau (la « serrure ») qui, à l’état normal, ne réagit qu’en présence d’orexine (la « clé »), un neurotransmetteur produit dans l’hypothalamus par une toute petite population de
neurones. Il s’empresse alors de réaliser les mêmes tests chez les humains. Les résultats sont bluffants : les niveaux d’orexine dans le cerveau des patients narcoleptiques sont à zéro alors que cette molécule est normalement produite au fil de la journée pour lutter contre la fatigue accumulée. Une différence cependant entre chiens et humains : chez les premiers, c’est la « serrure » qui est cassée alors que chez les humains, c’est la « clé » qui manque (d’où le caractère héréditaire de la maladie chez le chien mais pas chez l’humain). « L’avantage, c’est que la clé, on peut la refaire », s’enthousiasme le chercheur qui s’est mis à soigner des patients à Stanford dans le cadre d’essais, avec des molécules mimant l’orexine. Le défi reste de développer à grande échelle le médicament avec le juste dosage qui pourrait être autorisé dans les prochaines années ; l’entreprise japonaise Takeda notamment travaille sur le sujet. Actuellement, le Pr Mignot planche sur le fait que la narcolepsie pourrait être déclenchée par la grippe car le système immunitaire peut se mettre à confondre les neurones produisant l’orexine avec certains virus grippaux et finir par les attaquer ! Or, une fois morts, ces neurones ne se renouvellent plus et les patients ne peuvent plus produire d’orexine.
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Les moustiques piquent...du nez
Dans une étude parue le 1er juin 2022 dans le Journal of Experimental Biology, l’équipe du biologiste et biochimiste Oluwaseun M. Ajayi, des universités de Cincinnati et de Virginie (États-Unis) s’est piquée d’étudier les effets du sommeil et de sa privation sur le comportement des insectes piqueurs-suceurs de sang. Seule la fatigue chez l’abeille domestique et la mouche du vinaigre et ses effets sur leur capacité à mémoriser et communiquer avaient jusqu’à présent été étudiés. Pourtant, savoir si les moustiques sont en pleine possession de leurs moyens ou non lorsqu’ils piquent du nez est particulièrement intéressant dans l’hypothèse où un sommeil perturbé pourrait jouer sur leur capacité à transmettre des maladies à vecteurs. Les chercheurs ont d’abord scruté les postures et signaux de fatigue chez les femelles moustiques de trois espèces, deux nocturnes, Anopheles stephensi et Culex pipiens, et une diurne, Aedes aegypti. Puis ils ont empêché les insectes de dormir durant leur période naturelle de sommeil en faisant vibrer les tubes dans lesquels ils se trouvaient pendant 12 heures. Il s’avère que le manque de sommeil a clairement altéré chez eux les comportements de recherche d’un hôte et d’alimentation en sang. Ainsi, 4 heures après une nuit agitée, les Aedes aegypti se posaient beaucoup moins souvent sur un hôte artificiel, une poche de sang reconstitué, que leurs congénères reposés. Selon les auteurs, les effets du manque de sommeil sur la diffusion des maladies doivent être pris en compte pour parfaire les modèles épidémiques. Sachant que « la vie des moustiques est extrêmement rythmique » et qu’ils régulent leur comportement et leurs réponses aux signaux des hôtes humains (comme le souffle chargé de CO2) pour optimiser leur dépense d’énergie. « Déterminer les facteurs et les stimuli qui empêchent les moustiques de dormir pourrait aider à mettre en place de nouveaux outils qui réduiraient la capacité des moustiques à nous trouver », espèrent les auteurs.
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Un bon microbiote pour de bonnes nuits
L’équipe de la chercheuse en neurosciences Monika Fleshner, de l’université du Colorado à Boulder (États-Unis), a réussi à améliorer substantiellement le sommeil de rats en remodelant les composés neuroactifs produits par leur microbiote. Leur étude, parue dans Scientific Reports-Nature le 2 mars 2020, explique comment, une fois nourris avec des aliments enrichis en prébiotiques, les rongeurs ainsi repus se sont mis à roupiller davantage. Dans un deuxième temps, les animaux supplémentés et ceux du groupe témoin nourris normalement ont été stressés artificiellement par des chocs électriques modérés. Résultat : comparés à ceux du groupe témoin, les rats biberonnés aux prébiotiques ont profité de plus de sommeil paradoxal. Les chercheurs ont ensuite analysé leurs matières fécales pour comprendre le mode d’action : le stress provoquait chez les rats du groupe témoin un pic de concentration de plusieurs composés soupçonnés de perturber le sommeil. En revanche, chez les rats supplémentés, le pic était fortement atténué. Les prébiotiques ont ainsi modulé la production par le microbiote de composés neuroactifs. Sachant que ces derniers agissent sur le cerveau par l’intermédiaire des terminaisons nerveuses de l’intestin, ou même en passant dans le sang. Une preuve supplémentaire que l’intestin est un deuxième cerveau et des perspectives intéressantes pour espérer trouver chez l’homme des pistes pour améliorer les nuits en soignant l’assiette !
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Les petits dormeurs sont des mutants
L’équipe de Ying-Hui Fu, professeure de neurologie à l’université de Californie à San Francisco (États-Unis), a mis en évidence chez des « petits dormeurs », un père et son fils dormant respectivement 5 h 30 par nuit et un peu plus de 4 heures sans effets secondaires notables, la présence d’une mutation rare dans un récepteur neuronal exprimé par le gène NPSR1. La mutation ayant ensuite été introduite chez des rongeurs, les chercheurs ont pu observer chez ces souris mutantes un comportement plus mobile de jour comme de nuit. Elles dormaient en moyenne 1 heure de moins par 24 heures que les souris du groupe contrôle et étaient aussi plus résistantes à la pression du sommeil après une veille forcée. Plus intéressant encore, en empêchant toutes les souris de dormir pendant 6 heures après un exercice de mémorisation, les mutantes étaient résistantes aux déficits de mémoire contextuelle normalement associée à la privation de sommeil. « Tout se passe comme si les souris qui possèdent ce gène muté n’étaient pas sensibles aux effets négatifs de la dette de sommeil, ou comme si elles possédaient un système de compensation de ces effets négatifs », explique une chercheuse à l’Institut des neurosciences de Paris-Saclay commentant cette étude. Quant à savoir pourquoi ces mutations ne sont pas davantage répandues dans la population, la Professeure Fu l’explique par le fait que ces mutations sont récentes et n’ont donc pas encore eu le temps de beaucoup se diffuser au sein de notre espèce, obligeant l’écrasante majorité des humains à rester au lit 7 à 8 heures pour être en forme le lendemain.
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Sommeil et paranormal
De précédentes études avaient déjà relevé des associations significatives entre un sommeil problématique et des croyances paranormales. Mais elles étaient menées à petite échelle et se limitaient à un nombre restreint de variables de sommeil. Le 11 janvier 2023, une étude anglaise publiée dans le Journal of Sleep Research établit ce lien entre piètre sommeil et crédulité paranormale dans un large échantillon. Pas moins de 8 853 personnes ont en effet répondu à une enquête initiée par le BBC Science Focus Magazine. Les chercheurs en psychologie ont constaté qu’une qualité de sommeil vécue comme moindre (efficacité du sommeil plus faible, latence de sommeil plus longue, durée de sommeil plus courte et symptômes d’insomnie plus importants) était associée à une plus grande approbation de différentes croyances. Et elles sont nombreuses chez ces mauvais dormeurs, convaincus plus que les autres que l’âme vit après la mort, que les fantômes et les démons existent, que certaines personnes sont en mesure de communiquer avec les défunts ou encore que des extraterrestres ont déjà visité la Terre. Parmi les troubles du sommeil relatés, certains étaient particulièrement associés à des croyances spécifiques, comme la paralysie du sommeil qui accréditait l’idée que les expériences de mort imminente prouvent une vie après la mort. Le syndrome de la tête qui explose, parasomnie bénigne caractérisée par la perception, au moment de la transition veille/ sommeil, de cris, d’explosions, voire de coups de feu, était quant à lui associé à la conviction que des êtres cosmiques viennent observer notre planète. Les mécanismes expliquant ces associations mériteront par la suite d’être élucidés pour comprendre pourquoi les gens signalent parfois « des choses qui se passent la nuit ».
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