N°1368
Mars 2025

Les insectes se piquent de science

Ces bestioles volantes ou rampantes aiguillonnent la curiosité des chercheurs. Il faut dire qu’elles sont aussi petites que les découvertes peuvent être grandes.
De quoi faire du buzz !

par Hélène Bry
Le 04 avril 2022
  • 🇺🇸 États-Unis

    Les moustiques voient rouge

    Mais qu’est-ce qui plaît tant aux moustiques chez nous ? « J’ai l’habitude de dire qu’il y a trois signaux majeurs qui les attirent : votre respiration, votre transpiration et la température de votre peau. Dans cette étude, nous avons identifié un quatrième signal », explique Jeffrey A. Riffe de l’Université de Washington, l’un des auteurs d’une étude parue le 4 février 2022 dans Nature Communications. Les chercheurs ont scruté le comportement de moustiques femelles Aedes aegypti dans des chambres d’essai leur permettant de pulvériser du C02 et de leur présenter différentes couleurs.
    Résultat : les moustiques se sont rués vers les points de couleur rouge et orange. L’étude montre donc que c’est le CO2 qui excite immédiatement l’appétit du moustique et qu’une fois stimulé par un panache de CO2, il se dirige majoritairement vers les couleurs à grande longueur d’onde : le rouge et le orange. Or, ce sont précisément les longueurs d’onde émises par la peau humaine, quelle que soit sa couleur. Les chercheurs ont enfin montré que cette attirance des femelles vers les grandes longueurs d’onde est déterminée par un gène et que lorsqu’elles possèdent un variant muté de ce dernier, le rouge et le orange ne leur font plus ni chaud ni froid, pas plus que le CO2. Des découvertes très intéressantes dans la perspective de mettre au point des répulsifs plus efficaces.

  • 🇫🇷 France

    Fourmis renifleuses

    Après les chiens dont on sait que l’odorat détecte certains cancers et la Covid, des chercheurs français (CNRS/ Sorbonne Paris Nord/Institut Curie/ Inserm) ont découvert chez les fourmis des capacités semblables. Ou plutôt une espèce de fourmis, Formica fusca, capable de repérer des cellules humaines cancéreuses à travers les composés organiques volatils (COV) qu’elles émettent. C’est ce qu’ils ont démontré en conclusion d’une série d’expériences publiées dans iScience le 21 février 2022. L’odeur d’un échantillon de cellules cancéreuses humaines était associée à une récompense de solution sucrée. Au gré des essais, les fourmis détectaient cet appât de plus en plus vite, preuve qu’elles avaient appris à déceler la présence de cellules en fonction des substances volatiles émises. Elles ont aussi appris à distinguer quand la récompense sucrée était présente ou absente, donc à distinguer les COV issus de cellules cancéreuses de ceux issus de cellules saines. Plus fort encore : ces petites bêtes vraiment pas bêtes ont su différencier deux lignées de cancer
    différentes ! « Les fourmis représentent un outil de détection rapide, efficace, peu coûteux et hautement discriminant pour la détection des COV des cellules cancéreuses », notent les auteurs. Et, grand avantage par rapport aux chiens, « elles peuvent être rapidement dressées ».

  • 🇮🇹 Italie

    Jus de grillon

    Depuis quelques années, écologie oblige, l’entomophagie, pratique consistant à manger des insectes et des invertébrés, passionne. Des scientifiques de l’Université de Teramo, en Italie, ont voulu évaluer la vraie valeur nutritionnelle des insectes comestibles en termes d’antioxydants. Ils ont ainsi étudié la capacité de l’eau et des extraits liposolubles, obtenus à partir de douze insectes comestibles et deux invertébrés, à afficher un effet antioxydant in vitro. Leurs résultats, parus dans Frontiers in Nutrition le 15 juillet 2019, montrent que « les extraits hydrosolubles de sauterelles, de vers à soie et de grillons affichent des valeurs de capacité antioxydante (TEAC) cinq fois plus élevées que le jus d’orange frais ». À l’inverse, la cigale du soir, la punaise d’eau géante, le scorpion noir et la tarentule zébrée thaïlandaise peuvent aller se rhabiller, leurs capacités antioxydantes étant plus que médiocres. Vous reprendrez bien un petit smoothie aux criquets ?

  • 🇬🇦 Gabon

    Préparatoire en forêt équatoriale

    Suzee, une maman chimpanzé issue d’un groupe sauvage observé depuis plusieurs années par une équipe de chercheurs dans le parc national de Loango au Gabon, est une sacrée mère poule ! Et c’est Alessandra Mascaro, biologiste de l’évolution, qui a eu l’honneur de la surprendre dans la forêt en train de soigner son fils adolescent Sia en lui appliquant une sorte de jus d’insecte concocté par ses soins. La biologiste cosigne d’ailleurs, dans Current Biology du 7 février 2022, un article intitulé  « Application d’insectes sur des blessures, sur soi et autrui, par des chimpanzés dans la nature ». En fait, c’est en revisionnant la vidéo de cet incroyable moment qu’Alessandra et les autres chercheurs en ont eu le cœur net : on voit d’abord Suzee inspecter, perplexe, une blessure sur le pied de Sia. Puis elle semble réfléchir, et d’un coup on la voit attraper un insecte au vol, le porter à sa bouche et le recracher pour l’appliquer sur la plaie du fiston. Ce n’est pas la première fois qu’on observe un animal s’automédiquer, en mâchonnant ou avalant par exemple des plantes apaisantes ou antiparasitaires. Mais un animal appliquant sciemment un insecte – avec potentiellement des vertus anti-inflammatoires, antiseptiques, antidouleur… – sur la blessure d’un autre, ce n’est guère commun dans le règne animal.

  • 🇨🇳 Échine

    Grégarité au bout des pattes

    « Elles couvrirent la surface de toute la terre, et la terre fut dans l’obscurité ; elles dévorèrent toute l’herbe de la terre et tout le fruit des arbres, tout ce que la grêle avait laissé ». Dans L’Exode, les sauterelles sont une des dix plaies d’Égypte. Leurs essaims voraces ravageant les cultures ne datent donc pas d’hier. Mais des chercheurs chinois ont peut-être trouvé la parade ! Dans une étude publiée dans Nature en août 2020, ils se sont penchés sur 35 composés organiques volatils (COV) émis par les criquets migrateurs, qu’ils soient dans leur phase solitaire ou grégaire. Ils ont observé que 6 des 35 COV sont produits en quantité disproportionnée par les individus grégaires comparés aux solitaires, dont une molécule cyclique formée de 20 atomes seulement :
    le 4-vinylanisole (4VA). Libérée au niveau des pattes de l’insecte, cette phéromone active des récepteurs situés, eux, au niveau des antennes des autres individus. Et le constat a été sans appel : tous les criquets, indépendamment de leur phase, de leur âge et de leur sexe, sont irrésistiblement attirés par cette phéromone. Et plus la nuée d’insecte grossit, plus la quantité de 4VA émise augmente, entraînant un cercle infernal d’agrégation. Le plus incroyable est qu’il suffit de 4 à 5 criquets mis ensemble, même dans leur phase solitaire, pour enclencher le phénomène et générer un essaim ! Une découverte qui pourrait inspirer de nouvelles stratégies de lutte contre ce fléau, par exemple avec du 4VA de synthèse pour piéger les essaims au lieu d’épandages massifs, et nocifs, d’insecticides.

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