N°1368
Mars 2025

Moustiques sans frontières

En Afrique et en Asie, les moustiques sont les vecteurs de maladies souvent sévères. Mais un pays tempéré comme la France n’est plus épargné par ces pathologies autrefois tropicales.

© ADOBESTOCK_ALEXANDER POTAPOV
par Hélène Bry
Le 26 mai 2023
  • 🇺🇸 États-Unis

    Un anticorps monoclonal prometteur

    Un essai clinique de phase 2 des National Institutes of Health (NIH), publié le 31 octobre 2022 dans le New England Journal of Medicine (NEJM), a révélé qu’une dose d’un anticorps monoclonal a protégé les adultes en bonne santé au cours d’une intense saison de paludisme au Mali.
    Le médicament, appelé CIS43LS, était efficace jusqu’à 88,2 % pour prévenir l’infection palustre sur 24 semaines, démontrant pour la première fois que ce type de molécule peut prévenir l’infection dans une région endémique en interrompant le cycle de vie de Plasmodium falciparum. L’anticorps se lie et neutralise les sporozoïtes, le stade du parasite lorsqu’il se transmet des moustiques aux humains. Ces résultats ont été présentés lors de la réunion annuelle 2022 de l’American Society of Tropical Medicine & Hygiene à Seattle. « Nous devons élargir l’arsenal d’interventions disponibles pour prévenir l’infection palustre et accélérer les efforts pour éliminer la maladie », a déclaré Anthony Fauci, directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (NIAID) qui fait partie du NIH. « Ces résultats suggèrent qu’un anticorps monoclonal pourrait compléter d’autres mesures pour protéger les voyageurs et les groupes vulnérables tels que les nourrissons, les enfants et les femmes enceintes contre le paludisme saisonnier et aider à éliminer la maladie dans des zones définies. »

  • 🇰🇪 Kenya

    Appuyer sur le champignon

    Un axe de lutte contre le paludisme serait de réduire la prévalence du parasite Plasmodium chez les moustiques femelles du genre Anopheles. Des chercheurs de l’Université de Nairobi et de l’International Centre of Insect Physiology and Ecology (ICIPE) de la capitale kényane, ont misé sur un champignon microscopique symbiotique des anophèles qui bloque l’infection du moustique par Psalmodium. Il s’avère que Microsporia MB a été retrouvé chez des Anopheles arabiensis vivant dans l’épithélium intestinal et les ovaires des femelles sans que cela n’affecte la vie de l’insecte. Les chercheurs ont donc infecté deux populations de moustiques : une exempte de Microsporia MB, l’autre porteuse. Résultat : dans le second groupe, aucun sporozoïte de Plasmodium n’a été retrouvé dans la tête et le thorax, ni aucun ovocyte dans l’abdomen de tous les insectes testés. Les auteurs, qui ont publié le 4 mai 2020 dans Nature Communications, émettent deux hypothèses : soit la présence du champignon active le système immunitaire du moustique qui devient plus efficace pour lutter contre l’agent du paludisme, soit elle modifie le métabolisme de l’insecte et rend les conditions inhospitalières pour Plasmodium. Ils réfléchissent depuis à des moyens d’augmenter la population d’anophèles porteuses du champignon pour limiter la propagation du paludisme.

  • 🇬🇧 Royaume-Uni

    Un vaccin antipalustre efficace à 77%

    Largement plus efficace que celui recommandé par l’OMS en octobre 2020 (Mosquirix, GSK), un nouveau vaccin contre le paludisme développé par l’Université d’Oxford a reçu le feu vert des autorités ghanéennes pour être utilisé dans ce pays. R21/Matrix-M, fabriqué par le Serum Institute of India, a été approuvé pour les enfants âgés de 5 à 36 mois, « la tranche d’âge la plus exposée au risque de décès dû au paludisme », insiste le communiqué de l’université britannique. Selon les données de phase 1/2b publiées en septembre 2022, ce vaccin a une efficacité de 77 %, un an après la troisième dose du schéma complet. C’est la première fois qu’un vaccin antipalustre dépasse l’objectif d’efficacité de 75 % fixé par l’OMS.

  • 🇫🇷 France

    Rigidifier les globules rouges

    Transmis à l’homme par la piqûre d’un moustique infecté, le parasite Plasmodium, responsable du paludisme, s’installe dans le foie de la personne, puis se multiplie dans ses globules rouges avant de les détruire. Dans une étude publiée le 7 avril 2023 dans Nature Communications, l’équipe du Pr Pierre Buffet (Université Paris Cité, Inserm) explique les mécanismes de filtration du sang par la rate et annonce avoir découvert deux médicaments susceptibles de décupler l’efficacité de cette filtration pour stopper la transmission du paludisme. Partant du constat que chez les patients atteints de paludisme, la moitié des globules rouges infectés qui entrent dans la rate n’en ressort pas, les scientifiques ont cherché à savoir comment piéger les globules dans l’organe avant qu’ils ne retournent dans la circulation. Ils se sont alors basés sur le fait que les globules infectés sont plus rigides que les sains, donc moins aptes à se déformer pour franchir le filtre de la rate, et ont criblé des milliers de molécules en quête de celles capables de majorer suffisamment la rigidité acquise par les globules infectés pour que la rate puisse les retenir tous jusqu’à ce que les macrophages les détruisent. Parmi les 112 médicaments sur 13 555 testés, ils en ont repéré 2 pour lesquels la dose efficace peut être atteinte dans le sang des personnes traitées avec une seule dose par voie orale : la cipargamine et la TD6450. Des études complémentaires doivent être menées mais la découverte pourrait changer la donne pour des millions de personnes.

  • 🇫🇷 France

    Le moustique Tigre fond sur la France

    Le 5 avril 2023, le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars) a publié un rapport alertant sur le fait que la France pourrait connaître
    des flambées de dengue, Zika et chikungunya « au cours des prochains étés ». Car si la période estivale n’a pas encore débuté, le moustique tigre, Aedes
    albopictus de son petit nom latin, a déjà été vu en 2023 dans les trois quarts de la métropole. En effet, 70 départements sont désormais colonisés par l’insecte rayé, soit 67 % de l’Hexagone, selon le site Vigilance Moustiques qui fournit la carte des départements où l’insecte est implanté et actif et permet de déclarer un cas de moustique tigre (qui peut transmettre la dengue, Zika, le chikungunya) ou de moustique anophèle (qui peut véhiculer le paludisme). Depuis 2010, le nombre de départements métropolitains colonisés par Aedes albopictus a été multiplié par 10. L’été dernier, 65 cas autochtones de dengue
    avaient été confirmés, note le Covars. « La hausse des cas est inéluctable en raison de l’augmentation des voyages et du changement climatique », relève Didier Fontenille, entomologiste et co-auteur du rapport. « Bientôt, tout l’Hexagone sera touché par le moustique tigre », prédit celui qui ajoute que ces maladies virales « pourraient devenir des problèmes de santé publique en métropole nous étions déjà débordés avec 65 cas. Si l’an prochain il y en a 300, on ne pourra pas faire face, il va falloir s’adapter ». Certaines villes comme Brive (Corrèze) le font déjà et viennent de lancer, pour la deuxième année, leur « Brigade du tigre » forte de 35 agents. En mai 2022, 135 pièges avaient été déployés dans 2 quartiers. Cette année, une nouvelle solution est testée : des granulés à base de produits biologiques sans impact sur la faune et la flore pour empêcherla croissance des larves.

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